Calling you - Jevetta Steele
________________________________________
A desert road from Vegas to nowhere…
Le soleil brillait paresseusement dans le ciel de Babylone, au-dessus de Babel, comme s’il ne se rendait pas vraiment compte que sa présence semblait déplacée en un tel moment. Plus pas, sous les rares nuages blancs et cotonneux qui se couraient à près, tâches éclatantes sur un ciel bleu azur, il n’y a avait donc nul parapluie ouvert en ce jour d’enterrement. Some place better tham where you’re been… Les feuilles ne tombaient pas des arbres pour se faner, et les magnifiques arbres du cimetière de la flotte de Babel continuaient pour leur part de vivre, de manière aussi verte et vigoureuse que d’habitude. C’était le matin, et une goutte de rosée glissa le long de la lourde feuille aux nervures d’argents qui la soutenait pour venir s’écraser sur la nuque de Desmond Hayes.
A coffe machine that needs some fixing…
Le maréchal de la chasse de Babylone tira sur le col de son impeccable uniforme de cérémonie pour essayer de s’accommoder de l’humidité qui venait de s’y infiltrer, mais il ne réussit qu’à faire glisser la goutte plus loin, plus profondément entre ses omoplates. Le petit homme frissonna, mais plus parce que les circonstances l’y amenaient qu’à cause de la pointe d’eau fraiche qui descendait maintenant le long de son dos. In a little café just around the bend… Autour de lui, des centaines d’autres officiers de la flotte –dont la plupart faisaient partie du corps de la chasse- étaient rassemblés, impeccablement droits et sinistrement magnifiques dans leurs uniformes de cérémonie. Desmond était au premier rang, et ses camarades maréchaux s’y trouvaient également. Claire Takoda de Tenkaï, Hans Bjornson d’Asgard, Dominico Battrami d’Avalon et Catya Tamaroff de Troie. Quant au directeur de la chasse, le grand maréchal Albert Wagner, il se tenait face au reste de l’assemblée, à côté du lourd cercueil encadré de quatre fusiliers eux aussi en tenue des grands jours. Desmond venait de parler au nom du mort, et il avait cédé la place à Wagner, qui prononçait maintenant les traditionnels honneurs dédiés aux officiers de la chasse qui avaient brillamment servi le Cercle et ce jusqu’à leur mort. Desmond écouta à peine, fixant sans pouvoir s’en détacher le cercueil et l’ami qu’il savait reposer à l’intérieur. Et, tandis que les fusiliers levaient leurs armes vers le ciel pour tirer les quatre coups réglementaires et que les officiers et les pilotes rendaient leur dernier hommage, Desmond Haynes laissa ses pensées dériver au fil des souvenirs et de la musique…
I am Calling you
Can’t you hear me
I am Calling you...
Les dernières notes de la chanson préférée du défunt –une chanson rescapée de l’Ancienne Terre- s’égrenèrent dans les airs aux milieux des arbres et des vivants avant de se disperser dans le vent plus frais qui s’était soudainement levé. Desmond du maintenir sa casquette de maréchal pour qu’elle ne s’envole pas, et fut l’un des derniers officiants présents à rompre le rassemblement. Autour de lui, la foule se dispersait déjà en petits groupes, se dirigeant dignement vers le buffet d’honneur afin d’échanger entre eux quelques souvenirs à propos du défunt. Haynes espéraient qu’ils seraient bons, pour la plupart. De son côté, il lui était difficile de trouver ne serait-ce qu’un seul mauvais souvenir reliés au commodore George Hadley. George avait été le chef d’état-major de Desmond pendant presque quinze ans, et l’un de ses amis les plus proches qu’il ait jamais pu avoir. L’homme discret à la barbe poivre et sel toujours bien taillée et aux bleu gris comme le ciel un matin d’orage serait extrêmement difficile à remplacer. Pour le moment, Desmond n’avait même pas envie d’y songer, même s’il allait lui falloir très rapidement un nouveau chef d’état-major. Desmond soupira tandis que la chanson, diffusée par les haut-parleurs du cimetière dédiés à ces occasions reprenaient son air lancinant…
Can’t you hear me
I am Calling you...
Et le maréchal se dit une énième fois à quel point le fait de mourir d’une bête crise cardiaque quand on s’y attendait le moins pouvait encore se produire si souvent en 3333. La disparition de George avait si… inattendue, si imprévisible. Desmond, bien qu’homme pragmatique, n’était pas encore sur d’avoir pleinement réalisé que son ami était mort. Il échangea un regard plein de sympathie avec Dominico Battrami, qui vint lui serrer le bras de ses deux mains gantées de noir. Battrami ne faisait jamais quoique ce soit qui aurait pu laisser croire à ses pairs qu’il était lui aussi un être humain, mais il avait toujours fait des exceptions avec Desmond. Ce dernier hocha la tête en guise de remerciement muet mais sincère, et Dominico s’éloigna à son tour, seul, sans se mêler à quelque groupe que ce soi. Personne ne voulait se mêler à Dominico Battrami. Claire Takoda et Hans Bjorson vinrent à leur tour serrer la main de Haynes, avec tristesse et compassion, avant de rejoindre les autres officiers, devisant entre eux. Il ne suffit que d’un regard d’Albert Wagner, qui n’était pas très doué pour exprimer ses sentiments, et d’une tape sur l’épaule pour que Desmond sourie malgré tout aux manières bourrues du grand maréchal. Wagner était peut-être peu expansif dans ses démonstration d’affection, mais sa compassion était sincère, Desmond l’avait sentie…
Some place better tham where you’re been...
Puis, sans même vraiment le réaliser, Desmond se retrouva seul face au cercueil paré pour la mise en terre qui se ferait tout à l’heure. Derrière lui, les rires mêlés de tristesse perçaient parfois le formalisme des officiers et de la cérémonie, évoquant sans doute quelque souvenir du commodore Hadley. Et, tandis que Desmond allait se retourner dans un soupir et redonner à son visage le sourire qu’il ne quittait presque jamais, il sut qu’il y avait encore quelqu’un à côté de lui. Il se retourna poliment, et conserva son sourire teinté de tristesse en reconnaissant sa collègue de Troie, le maréchal Catya Tamaroff.
« Ma chère Catya, il y a assez d’un vieux nostalgique pour s’attarder devant une mort. Vous devriez rejoindre les autres, à ce qu’on dit, les petites crevettes roses de Tenkaï sont délicieuses en petits-fours ! »
C’était là pour Desmond une des habituelles pirouettes qu’il servait à ses interlocuteurs lorsqu’il n’était pas sûr de vouloir discuter d’un sujet en particulier avec eux. D’autant plus qu’il s’agissait de Catya, et que s’il n’avait jamais éprouvé la moindre animosité à l’égard de la femme, il savait pertinemment qu’il y avait depuis toujours une certaine tension entre eux, qui venait principalement d’elle. Desmond n’avait jamais vraiment compris pourquoi, et ne se sentait pas réellement d’humeur à essayer une nouvelle fois aujourd’hui.
But I can feeling a change is coming
Coming closer, sweet release...
Mais il ne put s’empêcher de troubler à nouveau le silence de leur conversation en désignant le cercueil à Catya, parlant d’un ton doux discrètement empreint de nostalgie :
« Vous connaissiez bien George ? Je sais qu’en tant que mon chef d’état-major, il ne dépendait pas de Troie, mais lui et vous vous êtes rencontrés à plusieurs reprises, je crois... »
Parler, même pour échanger des banalités avec Catya Tamaroff, était pour Desond Haynes le moyen de mettre de côté la peine et le chagrin. Au moins pour un petit moment. Autour d’eux, le vent s’adoucit, et les feuilles des grands arbres frémirent une dernière fois sous le soleil…
Can’t you hear me
I am Calling you...