Être la cadette de l’escadrille et être novice dans l’armée avait beaucoup plus de désavantages que d’autres choses. On héritait d’un chasseur réputé pour être maudit qui avait vu ses précédents possesseurs mourir, de l’emploi du temps le plus tordu, des corvées désagréables et d’une chambrée de quatre personnes. Heureusement qu’ils n’étaient pas tous de quart en même temps…
Mais Eve supportait tout ça très bien. Ses camarades de chambrée, moins : Eve dormait avec son singe serré entre ses bras comme une peluche et ce dernier avait la respiration sifflante. Et Anna, la jeune mécano, qui s’était réveillée, n’arrivait pas à se rendormir. Rien à faire, ce foutu macaque faisait trop de bruit. Allongée sur sa couchette, elle fixait toute sa concentration sur celle du dessus comme si elle pouvait apaiser la respiration du primate par sa seule volontée. De toute façon, c’était foutu, le réveil allait bientôt sonner. Anna fit un effort pour canaliser son exaspération tout en se promettant de la transformer en énergie pour tout le temps que durerait son quart. Cette fois encore, elle serait de sale humeur.
Le réveil sonna, libérateur pour Anna, agressif pour Eve qui se réveillait. La jeune pilote poussa un gémissement sonore et se couvrit la tête avec la couette. Puis comme le réveil semblait plus affolé chaque seconde, elle poussa un grognement de rage hystérique qui devait faire comprendre à Anna qu’elle devait éteindre ce foutu réveil ! Anna se leva d’un bon, éteignit le réveil d’un coup sec et lança d’une voix glaciale :
« Il faut se lever, Eve. »
Eve poussa un grognement plaintif, cette fois-ci.
« Mmmmmmmmrrrrrouuuuuuiiiiiiiiii… »
Elle fit un jet de volonté… Euh, un effort de volonté et… Succès critique ! Elle fit valser brusquement sa couette et sauta elle aussi de son lit. En oubliant bien sûr qu’elle occupait la couchette du haut. Anna s’écarta prudemment d’un pas et Eve s’écroula par terre.
« HiiiiIIIIiiiiiiIIIiiiin ! Gémit-elle. »
Anna ne perdit pas son temps en vain apitoiement et attrapa son uniforme pour s’habiller à la vitesse de l’éclair. Et elle sortit aussitôt en lançant un « Bonne journée. » monocorde auquel Eve répondit par un « Oui, moi aussi je t’adore. » rituel.
Une fois sa peu commode camarade partie, Eve remit la couette sur sa couchette pour envelopper Le Singe qui continuait à dormir comme si de rien était. Elle s’habilla à son tour, avec beaucoup moins d’élégance et de rapidité qu’Anna. Même si elle avait toujours l’air bien réveillé, Eve était souvent très maladroite au saut du lit. Heureusement, elle était moins pressée qu’Anna. Ce n’était pas encore l’heure de son quart (qui était nocturne par rapport à l’horaire du vaisseau), mais elle tenait à être prête à temps pour mettre son plan à exécution.
Elle ouvrit le placard de la cabine et fouilla dans le minuscule espace qui lui était réservé pour mettre la main sur un jean et le mettre sous sa chemise de nuit rose bonbon (avec une charmante inscription en lettres dégoulinantes d’un rose plus sombre sur la poitrine : « Ugly Pink »). Les jambes du jean semblaient refuser obstinément les jambes d’Eve, pourtant si aimables. Elle dut s’asseoir sur la couchette d’Anna pour réussir à le mettre. Puis elle attrapa un épais gilet noir qu’elle enfila (avec quelques difficultés, là encore) par-dessus sa chemise de nuit. Enfin, elle enfourna ses pieds nus dans des bottes dont elle n’était pas sûre qu’elles lui appartenaient.
Parée pour sa mission, Eve s’élança dans le couloir en se nouant les cheveux en queue-de-cheval, direction le mess.
En arrivant dans la cantine, Eve était encore en train de se remémorer les différentes étapes de son plan. Bientôt, la merveilleuse magie des emplois du temps ferait que toute l’escadrille Halloween serait de repos en même temps. Le moment idéal pour la mission d’Eve. En entrant dans la salle vivement éclairée, elle passait en revue son parcours : après avoir pris son petit-déjeuner, elle passerait par la blanchisserie, puis elle passerait par sa cabine pour cacher ses armes et enfin, elle courrait dans tout le vaisseau en commençant par le hangar. Eve était prête à parier que le Cheyenne était en train de jouer avec les mécanos, là-bas…
Mais d’abord, Eve devait prendre des forces pour avoir tous les avantages en main.
Dans le mess, il n’y avait pas trop de monde et la plupart des matelots prenaient leur dîner. Seuls quelques bleus prenaient un petit-déjeuner pour leur quart nocturne, qui se déroulait lors des quelques heures où le vaisseau tournait au ralenti. Eve prit un plateau, se servit généreusement en pain, beurre, confiture, jus d’orange et remplit un bol d’une montagne de céréales et d’une bonne dose de lait froid. Elle se tourna vers les tables de la salle et commença à dépasser celles où les membres de l’équipage prenaient leur dîner. Mais avant d’atteindre son but, elle marcha sur les lacets de ses bottes (depuis quand y avait-il des lacets à ses bottes ?) et trébucha en faisant bondir le contenu de son plateau. Le bol de céréales (aux tendances visiblement suicidaires) fit un saut majestueux pour passer par-dessus bord et éclabousser de magnifiques gerbes de lait et de céréales la poitrine de l’homme qui venait de se lever avant de s’écraser sur le sol en un feux d’artifice d’éclats de céramique rose (oui, Eve avait choisi un bol rose).
Eve resta hébétée un moment, les bras stupidement tendus devant elle pour soutenir un plateau à présent vide. Fascinée, elle avait le regard fixé sur le torse de l’homme, observant avec intérêt le processus logique qui s’y déroulait : la combinaison s’imprégnait de lait et, trempée, elle se collait à la peau du monsieur.
Tiens, une combinaison de l’escadrille Halloween.
Eve leva enfin les yeux pour savoir quel bon pote elle allait pouvoir charrier avec quelques sous-entendus à peine graveleux.
« Co… Commandant ! Je suis vraiment désolée ! »
Mi-figue, mi-raisin, Eve regardait son Commandant d’escadrille avec un sourire figé, à la fois catastrophé par son manque de chance et ravie de la nouvelle tenue du terriblement séduisant Konstantin Korazov.
Mais Eve supportait tout ça très bien. Ses camarades de chambrée, moins : Eve dormait avec son singe serré entre ses bras comme une peluche et ce dernier avait la respiration sifflante. Et Anna, la jeune mécano, qui s’était réveillée, n’arrivait pas à se rendormir. Rien à faire, ce foutu macaque faisait trop de bruit. Allongée sur sa couchette, elle fixait toute sa concentration sur celle du dessus comme si elle pouvait apaiser la respiration du primate par sa seule volontée. De toute façon, c’était foutu, le réveil allait bientôt sonner. Anna fit un effort pour canaliser son exaspération tout en se promettant de la transformer en énergie pour tout le temps que durerait son quart. Cette fois encore, elle serait de sale humeur.
Le réveil sonna, libérateur pour Anna, agressif pour Eve qui se réveillait. La jeune pilote poussa un gémissement sonore et se couvrit la tête avec la couette. Puis comme le réveil semblait plus affolé chaque seconde, elle poussa un grognement de rage hystérique qui devait faire comprendre à Anna qu’elle devait éteindre ce foutu réveil ! Anna se leva d’un bon, éteignit le réveil d’un coup sec et lança d’une voix glaciale :
« Il faut se lever, Eve. »
Eve poussa un grognement plaintif, cette fois-ci.
« Mmmmmmmmrrrrrouuuuuuiiiiiiiiii… »
Elle fit un jet de volonté… Euh, un effort de volonté et… Succès critique ! Elle fit valser brusquement sa couette et sauta elle aussi de son lit. En oubliant bien sûr qu’elle occupait la couchette du haut. Anna s’écarta prudemment d’un pas et Eve s’écroula par terre.
« HiiiiIIIIiiiiiiIIIiiiin ! Gémit-elle. »
Anna ne perdit pas son temps en vain apitoiement et attrapa son uniforme pour s’habiller à la vitesse de l’éclair. Et elle sortit aussitôt en lançant un « Bonne journée. » monocorde auquel Eve répondit par un « Oui, moi aussi je t’adore. » rituel.
Une fois sa peu commode camarade partie, Eve remit la couette sur sa couchette pour envelopper Le Singe qui continuait à dormir comme si de rien était. Elle s’habilla à son tour, avec beaucoup moins d’élégance et de rapidité qu’Anna. Même si elle avait toujours l’air bien réveillé, Eve était souvent très maladroite au saut du lit. Heureusement, elle était moins pressée qu’Anna. Ce n’était pas encore l’heure de son quart (qui était nocturne par rapport à l’horaire du vaisseau), mais elle tenait à être prête à temps pour mettre son plan à exécution.
Elle ouvrit le placard de la cabine et fouilla dans le minuscule espace qui lui était réservé pour mettre la main sur un jean et le mettre sous sa chemise de nuit rose bonbon (avec une charmante inscription en lettres dégoulinantes d’un rose plus sombre sur la poitrine : « Ugly Pink »). Les jambes du jean semblaient refuser obstinément les jambes d’Eve, pourtant si aimables. Elle dut s’asseoir sur la couchette d’Anna pour réussir à le mettre. Puis elle attrapa un épais gilet noir qu’elle enfila (avec quelques difficultés, là encore) par-dessus sa chemise de nuit. Enfin, elle enfourna ses pieds nus dans des bottes dont elle n’était pas sûre qu’elles lui appartenaient.
Parée pour sa mission, Eve s’élança dans le couloir en se nouant les cheveux en queue-de-cheval, direction le mess.
En arrivant dans la cantine, Eve était encore en train de se remémorer les différentes étapes de son plan. Bientôt, la merveilleuse magie des emplois du temps ferait que toute l’escadrille Halloween serait de repos en même temps. Le moment idéal pour la mission d’Eve. En entrant dans la salle vivement éclairée, elle passait en revue son parcours : après avoir pris son petit-déjeuner, elle passerait par la blanchisserie, puis elle passerait par sa cabine pour cacher ses armes et enfin, elle courrait dans tout le vaisseau en commençant par le hangar. Eve était prête à parier que le Cheyenne était en train de jouer avec les mécanos, là-bas…
Mais d’abord, Eve devait prendre des forces pour avoir tous les avantages en main.
Dans le mess, il n’y avait pas trop de monde et la plupart des matelots prenaient leur dîner. Seuls quelques bleus prenaient un petit-déjeuner pour leur quart nocturne, qui se déroulait lors des quelques heures où le vaisseau tournait au ralenti. Eve prit un plateau, se servit généreusement en pain, beurre, confiture, jus d’orange et remplit un bol d’une montagne de céréales et d’une bonne dose de lait froid. Elle se tourna vers les tables de la salle et commença à dépasser celles où les membres de l’équipage prenaient leur dîner. Mais avant d’atteindre son but, elle marcha sur les lacets de ses bottes (depuis quand y avait-il des lacets à ses bottes ?) et trébucha en faisant bondir le contenu de son plateau. Le bol de céréales (aux tendances visiblement suicidaires) fit un saut majestueux pour passer par-dessus bord et éclabousser de magnifiques gerbes de lait et de céréales la poitrine de l’homme qui venait de se lever avant de s’écraser sur le sol en un feux d’artifice d’éclats de céramique rose (oui, Eve avait choisi un bol rose).
Eve resta hébétée un moment, les bras stupidement tendus devant elle pour soutenir un plateau à présent vide. Fascinée, elle avait le regard fixé sur le torse de l’homme, observant avec intérêt le processus logique qui s’y déroulait : la combinaison s’imprégnait de lait et, trempée, elle se collait à la peau du monsieur.
Tiens, une combinaison de l’escadrille Halloween.
Eve leva enfin les yeux pour savoir quel bon pote elle allait pouvoir charrier avec quelques sous-entendus à peine graveleux.
« Co… Commandant ! Je suis vraiment désolée ! »
Mi-figue, mi-raisin, Eve regardait son Commandant d’escadrille avec un sourire figé, à la fois catastrophé par son manque de chance et ravie de la nouvelle tenue du terriblement séduisant Konstantin Korazov.