« C’est stupéfiant de voir avec quel flegme le commandant Caine a accueilli les nouvelles auxquelles étaient arrivé le médecin chef Hernandez. Pas une seule fois je n’ai vue Amelia se plaindre ou se lamenter. Oh, bien sûr, il lui est arrivé de déballer ce qu’elle avait sur le cœur lors de l’une de nos séances, mais Amy est toujours restée très digne, et elle l’est encore aujourd’hui. Vous savez, tant qu’elle a son thé à la muscade, le ciel pourrait lui tomber sur la tête qu’elle garderait la tête froide.
En fait, le plus dure pour elle n’aura pas été de se savoir condamnée. A vrai dire, savoir qu’elle pourrait mourir demain comme à soixante ans l’encourage à profiter de l’instant, m’a-t-elle confié. Non, ce qui lui a coûté le plus, c’est bien le fait d’avoir dû quitter les forces de défenses du Cercle. Oh, elle a parfaitement compris que le Cercle ne pouvait confier un de ses engins de guerre à un commandant en sursis, aussi doué soit-il, mais commander un vaisseau, c’est toute sa vie, la chose qu’elle sait faire le mieux.
Elle n’en a jamais voulu au Cercle, bien entendu ; elle est bien assez intelligente pour ne pas reporter la faute sur qui que ce soit, même pas elle ! Il faut dire qu’un commandant qui se jette dans un sas inondé de tylium 2 pendant six heures pour maintenir manuellement l’ouverture afin de permettre à ses hommes de s’en tirer ne peut être que quelqu’un de particulièrement intègre et courageux, aussi sa réaction face à sa…maladie, si je puis dire, ne m’a pas étonné, d’autant plus qu’elle et moi nous connaissions depuis longtemps.
Après cette histoire et son année de traitement, elle a passé plusieurs mois chez ses parents, des émigrés humains installés sur Tenkaï et dont je suis un des vieux amis. L’air de la mer lui faisait du bien, dit-elle, et c’est bien sur cette planète qu’elle avait appris à naviguer d’abord sur les eaux avant de rejoindre l’académie d’officier de la flotte. Et après ces quelques mois de villégiature et, surtout, de réflexion, elle m’a appelé un jour pour me dire qu’elle était incapable de rester à terre. Elle a depuis décidé de louer ses services en tant que commandant de vaisseau civil, et si elle admet que ce n’est pas aussi gratifiant que de commandant un vaisseau de la flotte, elle est ravie de retrouver le pont d’un engin filant sous les étoiles.
Bien sûr, honnête comme elle est, son handicap ne la sert pas toujours lorsqu’il s’agit de trouver un employeur, mais son caractère et ses états de service compensent généralement de fait. Et elle ne le fait pas pour l’argent, ce qui lui permet encore plus facilement de trouver une place.
Actuellement, elle a été engagée pour prendre le commandant du R.L.S Legacy il y a un peu plus de deux mois, le vaisseau qui sert de transport au fameux groupe de musiques Synthetics Dreams. Si j’aime ? Oh, vous savez, la musique dites moderne, moi… Enfin bref, elle me contacte régulièrement et je crois qu’elle est tombée amoureuse du Legacy. « Un vaisseau fantastique ! » me répète-t-elle régulièrement. Bon, le directeur du groupe, un certain Perry McGinley, est paraît-il tout sauf d’un abord facile, mais cela ne fait pas peur à Amy. Elle sait composer avec ces gens là, en général…
Bref, je crois que pour l’instant, elle s’en sort plutôt bien, et qu’elle n’est pas prête de s’établir à nouveau sur le plancher des vaches tant qu’elle aura une merveille comme le Legacy entre les mains… »
Professeur Jordi Delbert, psychothérapeute