Carbonek, 15 Janvier 3333
Tout était si bien préparé ! Le vieux routard de la Haute Cour de Justice de Carbonek qu'était Thomas Bords se demandait encore comment, avec un dossier comme le sien, il avait pu perdre. Ou plutôt, il se demandait qui était cet homme qui l'avait battu après six mois d'un procès qui avait passionné tout le Cercle, car la victoire n'était pas celle d'un dossier sur un autre.
Le jeune avocat qui s'était opposé à lui n'était bien entendu pas seul. Il avait derrière lui l'un des plus grands cabinets de tout le Cercle, le soutien de sa famille, du clan Conelly. C'était le petit jeunot qui avait récupéré les rênes de l'entreprise quand son père, Rafael, avait abandonné le métier, fatigué et parfois déprimé. Quoi que, dire que le jeune Maximilien contrôlait tout le cabinet était faux. Son père restait le patron, et même celui que bon nombre d'avocats du Cercle appelaient "Max", l'ayant vu grandir auprès d'eux, devait encore lui donner du "boss" gros comme le biceps. Pour combien de temps, cela était à voir. A vrai dire, Max n'avait même pas demandé plus de responsabilités. Son père, miné par la bataille à distance qu'il menait sans cesse avec Jarvis, avait tout simplement confié au petit virtuose la lourde tâche de s'opposer à Maître Stark. Et pour l'instant, le duel faisait des étincelles.
Ce qui n'expliquait toujours ce qui avait amené à ce que son client se tourne vers Thomas avec un regard mauvais. Déglutissant difficilement, celui-ci chercha ce qu'il pouvait bien dire, et qui passerait mieux que "Je ne m'attendais pas à ça". Mais avec la mafia d'Avalon, il était bien difficile de trouver des excuses quand on échouait. Et à quelques mètres de lui, un jeune homme blond habillé d'un ensemble noir qui lui allait parfaitement bien s'approchait, la main tendue. Tom décida de s'avouer vaincu, honnêtement.
" Maître Bords... "
Thomas repoussa un soupir. Quel respect pointait dans sa voix ! Que ce gamin pouvait être mûr et agréable ! Peut-être était-ce là une de ses armes les plus redoutables, d'ailleurs. Il serra la main de Conelly, lui tapotant l'épaule et lui murmurant ses paroles, de peur que cela ne s'ébruite.
" Vous m'avez bluffé, Maximilien. Je ne m'attendais pas à ça. "
Un grand sourire illumina le visage du jeune homme, et Tom lui fit signe de rester auprès de lui quelques instants. Abaissant encore la voix, il décida d'aider ce jeune homme qui était encore un enfant par certains côtés.
" Mais faites vraiment attention à vous...Maître Conelly. Le genre de notoriété que l'on acquiert dans ces procès n'est pas toujours très bonne pour la santé. Et c'est le conseil d'un ami de votre père. "
Maximilien le dévisagea, comme s'il se demandait sur quel pied danser. Et dans son expression pensive, on voyait, comme chez son père, que tout son esprit était tourné vers la suite, dans la réflexion. Max ne quitta pour autant pas son sourire quand il reprit. Un sourire derrière lequel perça une froideur très légèrement crispée à l'évocation de son adversaire principal. Et Bords se dit qu'en fin de compte, Stark et le jeune Maximilien avaient plus que le métier de commun. Eux aussi considéraient tout ce qui sortait de leurs grands procès comme un entraînement. Autre question : ce procès était-il plus qu' un simple échauffement ? Bords espérait que oui, dans le cas contraire il n'avait qu'à prendre sa retraite, loin, sur un astéroïde paumé...
" Merci du conseil, Thomas. Mais après tout, ce cher Maître Stark défend bien les pires ordures du Cercle...Je peux me permettre d'en faire mettre une ou deux derrière les verrous. "
Les deux avocats se quittèrent, et Thomas ne put que constater le regard meurtrier que son client, le célèbre Jim "ice cold" Pershing, jetait à Maximilien. Ce jeune homme, qui venait de fêter ses 26 ans, se préparait quelques semaines pour le moins agitées.
Article du Carbonek Illustrated, 20 Janvier 3333
Babylone, 27 Mars 3333
Assis à son bureau, derrière des vitres blindées opaques qu'il n'avait pas ouvertes depuis son retour, Maximilien enrageait. Son père venait de lui annoncer qu'il avait pris une décision pour lui, pour la première fois depuis une bonne dizaine d'années. Et sa colère était tournée vers le monde entier, quoi que les militaires du Cercle tiennent une bonne place dans ses insultes. Remettant une mèche blond platine en place, il s'observa dans le miroir.
Lui qui était considéré comme l'un des plus beaux jeunes hommes de Babylone ne tenait aujourd'hui plus la comparaison. Deux mois de quasi-enfermement dans ce bureau transformé en forteresse imprenable, ne se nourrissant presque plus, réduit à craindre son ombre projetée par une lumière blafarde. Deux mois qui avaient bien failli le faire sombrer dans la folie. La mafia d'Avalon avait gagné, d'une certaine façon. S'il sortait, à chaque seconde il craindrait un tir de laser venu d'on ne sait où qui transpercerait sa poitrine en une fraction de seconde. Concernant l'autre alternative...Il en observait le résultat. Maigrichon, mal rasé, mal coiffé, les traits tirés, ses yeux bleus semblant avoir perdu leur éclat, il n'était que l'ombre de lui-même. En fait, il en venait à se dégoûter tout seul.
On toqua à la porte. Maximilien se surprit à espérer qu'il s'agissait des tueurs de la mafia qui venaient le cueillir en ouvrant, mais ce n'était que son père, qui s'assit en face de lui. Levant la main, Max l'arrêta tout de suite.
" Je vais accepter, Papa. Je n'ai pas le choix. Moi non plus, je n'en puis plus de cette vie-là. Mais toi...Tu tiendras le coup ici ?
- Fiston, je suis plus solide que tu ne le crois. J'ai vu les militaires, ils m'ont dit qu'ils te transféraient dans dix minutes. J'espère que tu as préparé tout ce dont tu as besoin.
- Oui.
- Bien. Et je...Fiston, essayes de ne pas te laisser aller. Dans quelques mois, quand tout ça se sera calmé, tu reviendras, et on reprendra de plus belle. "
Pourquoi Max n'arrivait-il pas à croire son père ? Sans doute parce qu'il s'en voulait tellement d'avoir sous-estimé la mafia d'Avalon. Sans doute aussi par un pessimisme qu'il cultivait comme une garantie de sa réussite. Cela lui avait du reste plutôt bien réussi. Si son père était parti de rien (ou peu s'en faut), Maximilien était arrivé en faculté de droit avec tout à prouver. Il s'était donné énormément de mal, bûchant sans cesse, passant son temps libre au cabinet Conelly pour écouter des plaidoiries et des montages de dossiers, et avait réussi son pari. Entré au cabinet comme le fils du patron, il y était devenu l'avocat numéro 1, tout simplement. Et aujourd'hui, il les quittait pour Balor, où les militaires lui proposaient de le protéger, en attendant de trouver ceux qui voulaient sa peau. Son père tenait bien le choc, en fin de compte. Peut-être était-ce parce qu'il avait deux autres fils et une fille qui, eux, ne risquaient pas à chaque seconde d'être assassinés ?
Dix minutes plus tard, Maximilien Conelly embarquait, entouré de troupes d'élite du Cercle, dans un petit vaisseau anodin - quoi que sérieusement renforcé - qui les emmena vers un croiseur, lequel déposa son chargement précieux sur Balor. Tout commençait là-bas, donc.
Quelques temps plus tard
Maximilien lisait les journaux, et tomba sur une dépêche annonçant l'arrivée imminente de Maître Stark sur Balor. S'appuyant de tout son poids sur le dossier du fauteuil dans lequel il était assis, Conelly se demanda s'il s'agissait d'un signe du destin, ou juste d'une coïncidence. En tout cas, Stark n'allait pas pourrir Balor comme il pourrissait le reste du Cercle. Max prit cette résolution, et se dirigea vers l'armoire de sa chambre, pour y observer ses vêtements. Quelques ensembles décontractés, qu'il avait alternés depuis qu'il était arrivé sur Balor. Mais à côté de cela, soigneusement pliés, tous ses costumes d'avocat. Un sourire aux lèvres, il choisit le plus sombre et monotone - paraîtrait-il que cela gênait la vision qu'obtenait Stark avec ses "lunettes magiques" -, et s'en vêtit. Puisque tous deux ils étaient coincés ici, autant s'occuper !
Tout était si bien préparé ! Le vieux routard de la Haute Cour de Justice de Carbonek qu'était Thomas Bords se demandait encore comment, avec un dossier comme le sien, il avait pu perdre. Ou plutôt, il se demandait qui était cet homme qui l'avait battu après six mois d'un procès qui avait passionné tout le Cercle, car la victoire n'était pas celle d'un dossier sur un autre.
Le jeune avocat qui s'était opposé à lui n'était bien entendu pas seul. Il avait derrière lui l'un des plus grands cabinets de tout le Cercle, le soutien de sa famille, du clan Conelly. C'était le petit jeunot qui avait récupéré les rênes de l'entreprise quand son père, Rafael, avait abandonné le métier, fatigué et parfois déprimé. Quoi que, dire que le jeune Maximilien contrôlait tout le cabinet était faux. Son père restait le patron, et même celui que bon nombre d'avocats du Cercle appelaient "Max", l'ayant vu grandir auprès d'eux, devait encore lui donner du "boss" gros comme le biceps. Pour combien de temps, cela était à voir. A vrai dire, Max n'avait même pas demandé plus de responsabilités. Son père, miné par la bataille à distance qu'il menait sans cesse avec Jarvis, avait tout simplement confié au petit virtuose la lourde tâche de s'opposer à Maître Stark. Et pour l'instant, le duel faisait des étincelles.
Ce qui n'expliquait toujours ce qui avait amené à ce que son client se tourne vers Thomas avec un regard mauvais. Déglutissant difficilement, celui-ci chercha ce qu'il pouvait bien dire, et qui passerait mieux que "Je ne m'attendais pas à ça". Mais avec la mafia d'Avalon, il était bien difficile de trouver des excuses quand on échouait. Et à quelques mètres de lui, un jeune homme blond habillé d'un ensemble noir qui lui allait parfaitement bien s'approchait, la main tendue. Tom décida de s'avouer vaincu, honnêtement.
" Maître Bords... "
Thomas repoussa un soupir. Quel respect pointait dans sa voix ! Que ce gamin pouvait être mûr et agréable ! Peut-être était-ce là une de ses armes les plus redoutables, d'ailleurs. Il serra la main de Conelly, lui tapotant l'épaule et lui murmurant ses paroles, de peur que cela ne s'ébruite.
" Vous m'avez bluffé, Maximilien. Je ne m'attendais pas à ça. "
Un grand sourire illumina le visage du jeune homme, et Tom lui fit signe de rester auprès de lui quelques instants. Abaissant encore la voix, il décida d'aider ce jeune homme qui était encore un enfant par certains côtés.
" Mais faites vraiment attention à vous...Maître Conelly. Le genre de notoriété que l'on acquiert dans ces procès n'est pas toujours très bonne pour la santé. Et c'est le conseil d'un ami de votre père. "
Maximilien le dévisagea, comme s'il se demandait sur quel pied danser. Et dans son expression pensive, on voyait, comme chez son père, que tout son esprit était tourné vers la suite, dans la réflexion. Max ne quitta pour autant pas son sourire quand il reprit. Un sourire derrière lequel perça une froideur très légèrement crispée à l'évocation de son adversaire principal. Et Bords se dit qu'en fin de compte, Stark et le jeune Maximilien avaient plus que le métier de commun. Eux aussi considéraient tout ce qui sortait de leurs grands procès comme un entraînement. Autre question : ce procès était-il plus qu' un simple échauffement ? Bords espérait que oui, dans le cas contraire il n'avait qu'à prendre sa retraite, loin, sur un astéroïde paumé...
" Merci du conseil, Thomas. Mais après tout, ce cher Maître Stark défend bien les pires ordures du Cercle...Je peux me permettre d'en faire mettre une ou deux derrière les verrous. "
Les deux avocats se quittèrent, et Thomas ne put que constater le regard meurtrier que son client, le célèbre Jim "ice cold" Pershing, jetait à Maximilien. Ce jeune homme, qui venait de fêter ses 26 ans, se préparait quelques semaines pour le moins agitées.
Article du Carbonek Illustrated, 20 Janvier 3333
Tentative de meurtre à l'hôtel Central Space
Tous nos lecteurs se rappellent bien évidemment le visage au sourire triomphant qu'affichait le jeune avocat Maximilien Conelly, au soir de sa victoire surprise dans le procès Cercle VS Jim Pershing. Nul doute, toutefois, qu'hier soir, ce même jeune homme affichait un air bien moins conquérant.
De sources sûres, un groupe armé et bien entraîné d'une dizaine de personnes se serait introduit, au nez et à la barbe de tous les systèmes de surveillance, dans la suite qu'occupait le fils aîné de Maître Rafael Conelly. Leur but semblait être de tuer l'avocat, mais celui-ci se serait réfugié dans une pièce prévue à cet effet. Ralentis par la solidité des portes blindées, le groupe aurait finalement choisi de quitter les lieux, peu avant que la police n'arrive sur les lieux. Bilan de l'attaque, un mort et un blessé chez les agresseurs. Plus de peur que de mal pour Maximilien Conelly, qui a annoncé sa résolution à ne pas baisser les bras devant ceux qu'il appelle "les pourvoyeurs de désolation".
La police penche évidemment, côté suspects, vers la mafia d'Avalon, étant donné le retentissement du procès de Pershing et les déclarations fracassantes de Maître Conelly quant à ses intentions de "traîner en Justice tout ce que le Cercle comporte de pourri, quitte à devoir y passer 50 ans". Maître Conelly sera placé en sécurité par la police d'Avalon, avant de regagner Babylone sans doute. Un communiqué d'un groupe proche de la mafia jette toutefois un trouble, puisqu'il prétend que "Ce bâtard sera exécuté, où qu'il se terre". Les autorités du Cercle se sont déclarées "très préoccupées" par la situation, et ont promis de proposer rapidement une solution.
Nous vous informerons bien sûr de tous les développements de cette affaire.
Babylone, 27 Mars 3333
Assis à son bureau, derrière des vitres blindées opaques qu'il n'avait pas ouvertes depuis son retour, Maximilien enrageait. Son père venait de lui annoncer qu'il avait pris une décision pour lui, pour la première fois depuis une bonne dizaine d'années. Et sa colère était tournée vers le monde entier, quoi que les militaires du Cercle tiennent une bonne place dans ses insultes. Remettant une mèche blond platine en place, il s'observa dans le miroir.
Lui qui était considéré comme l'un des plus beaux jeunes hommes de Babylone ne tenait aujourd'hui plus la comparaison. Deux mois de quasi-enfermement dans ce bureau transformé en forteresse imprenable, ne se nourrissant presque plus, réduit à craindre son ombre projetée par une lumière blafarde. Deux mois qui avaient bien failli le faire sombrer dans la folie. La mafia d'Avalon avait gagné, d'une certaine façon. S'il sortait, à chaque seconde il craindrait un tir de laser venu d'on ne sait où qui transpercerait sa poitrine en une fraction de seconde. Concernant l'autre alternative...Il en observait le résultat. Maigrichon, mal rasé, mal coiffé, les traits tirés, ses yeux bleus semblant avoir perdu leur éclat, il n'était que l'ombre de lui-même. En fait, il en venait à se dégoûter tout seul.
On toqua à la porte. Maximilien se surprit à espérer qu'il s'agissait des tueurs de la mafia qui venaient le cueillir en ouvrant, mais ce n'était que son père, qui s'assit en face de lui. Levant la main, Max l'arrêta tout de suite.
" Je vais accepter, Papa. Je n'ai pas le choix. Moi non plus, je n'en puis plus de cette vie-là. Mais toi...Tu tiendras le coup ici ?
- Fiston, je suis plus solide que tu ne le crois. J'ai vu les militaires, ils m'ont dit qu'ils te transféraient dans dix minutes. J'espère que tu as préparé tout ce dont tu as besoin.
- Oui.
- Bien. Et je...Fiston, essayes de ne pas te laisser aller. Dans quelques mois, quand tout ça se sera calmé, tu reviendras, et on reprendra de plus belle. "
Pourquoi Max n'arrivait-il pas à croire son père ? Sans doute parce qu'il s'en voulait tellement d'avoir sous-estimé la mafia d'Avalon. Sans doute aussi par un pessimisme qu'il cultivait comme une garantie de sa réussite. Cela lui avait du reste plutôt bien réussi. Si son père était parti de rien (ou peu s'en faut), Maximilien était arrivé en faculté de droit avec tout à prouver. Il s'était donné énormément de mal, bûchant sans cesse, passant son temps libre au cabinet Conelly pour écouter des plaidoiries et des montages de dossiers, et avait réussi son pari. Entré au cabinet comme le fils du patron, il y était devenu l'avocat numéro 1, tout simplement. Et aujourd'hui, il les quittait pour Balor, où les militaires lui proposaient de le protéger, en attendant de trouver ceux qui voulaient sa peau. Son père tenait bien le choc, en fin de compte. Peut-être était-ce parce qu'il avait deux autres fils et une fille qui, eux, ne risquaient pas à chaque seconde d'être assassinés ?
Dix minutes plus tard, Maximilien Conelly embarquait, entouré de troupes d'élite du Cercle, dans un petit vaisseau anodin - quoi que sérieusement renforcé - qui les emmena vers un croiseur, lequel déposa son chargement précieux sur Balor. Tout commençait là-bas, donc.
Quelques temps plus tard
Maximilien lisait les journaux, et tomba sur une dépêche annonçant l'arrivée imminente de Maître Stark sur Balor. S'appuyant de tout son poids sur le dossier du fauteuil dans lequel il était assis, Conelly se demanda s'il s'agissait d'un signe du destin, ou juste d'une coïncidence. En tout cas, Stark n'allait pas pourrir Balor comme il pourrissait le reste du Cercle. Max prit cette résolution, et se dirigea vers l'armoire de sa chambre, pour y observer ses vêtements. Quelques ensembles décontractés, qu'il avait alternés depuis qu'il était arrivé sur Balor. Mais à côté de cela, soigneusement pliés, tous ses costumes d'avocat. Un sourire aux lèvres, il choisit le plus sombre et monotone - paraîtrait-il que cela gênait la vision qu'obtenait Stark avec ses "lunettes magiques" -, et s'en vêtit. Puisque tous deux ils étaient coincés ici, autant s'occuper !