" Encore une ! Mais c'est pas vrai ! »
Le lieutenant Taride, de nouveau, s'énervait devant le rapport qu'il venait juste de recevoir. Il faisait de grands moulinets avec ses bras, brassant l'air d'une mine exaspérée. Son coéquipier, le sous-lieutenant Saralin, tourna lentement son siège et regarda mollement son supérieur.
" Quoi encore ?
- Le capitaine Portanares... Il a encore fait fuir l'intendante que je lui avais mis ! Ah pourtant, elle avait du caractère celle-là ! Merdemerdemerde !
- C'est son combien ?
- C'est la 3 ème que je lui mets en quatre mois ! J'vais bien quand même réussir à trouver quelqu'un de correct qui tiendra plus de 2 mois ! Et il a fait fuir celle là en une journée..."
Et il porta son pouce à sa bouche qu'il se mit à le grignoter. Quelle erreur d'avoir accepté ce poste ! Celui où il devait s'occuper de recruter le personnel ! Mais c'était quoi, le capitaine Portanares pour réussir à faire fuir autant de personne en si peu de temps ? Surtout qu'une légende racontait qu'il en était au moins à son trentième intendant. Et que celui qui occupait ce poste avant Taride avait déserté car trop de pressions... Et trop de dépressions aussi.
" Le stresse ! Se plaignit Taride à voix haute. Un tolard ! P'tet qu'un tolard...
- Qu'est-ce qu'il faut exactement ?
- Quelqu'un de résistant... Quelqu'un qui ne se laisserait pas marcher sur les pieds... Quelqu'un qui soit organisée, qui ait une forte volonté... Et vu que costaud, ça marche pas, quelqu'un de froid peut-être ?"
Quand il prononça le mot "froid", il vit un visage apparaître dans son esprit. Rien que cette vision lui donna un frisson qui parcourra le long de son échine. Ah mais ! Où en était-elle celle-là ? Bon, ça valait le coup d'essayer ! Car si jamais elle avait bien fait ce qu’il lui avait conseillé, si elle avait conservé son attitude froide, cette attitude du je-m'en-foutisme qui la caractérisait si bien, alors...
Elle serait parfaite. Enfin, peut-être...
" Saralin ! Tu vas me chercher quelqu'un ! Eilaire Traminne !
- Et où il se trouve, cet Eilaire ?
- Je t'envoie l'adresse de l'hôtel où travaille notre futur intendant. Tu vas là-bas, tu la ramènes ici... Et que ça saute !!"
[...]
Saralin, de son prénom Thomas resta un moment silencieux devant l'immense hôtel qui lui faisait face. Après un voyage assez agréable, il avait enfin pu atterrir sur une planète du cercle où se trouvait le lieu de travail du fameux Eilaire... C'était un hôtel grandiose, où seuls les gens assez fortunés pouvaient y rentrer et y passer une nuit et sérieusement, le sous-lieutenant se posait bien des questions. Un endroit aussi chic, contre une base ? Si bien payé contre... Ah, non, les intendants du capitaine Portanares étaient toujours bien payés... Argument pour rester en place en fait. Mais une situation stable pour être au service de l'armée ? La sécurité d'une petite vie pépère contre l'insécurité d'une base spatiale ? Que diable faisait-il ici ? Qui accepterait de perdre cet hôtel contre un poste d'intendant ?
Pendant une seconde, Saralin pensa sérieusement à partir d'ici sans même demander... Mais ce fourbe de Taride serait bien capable de lui poser des questions sur le physique de cet Eilaire juste pour voir s'il l'avait bien rencontré pour lui poser la question " Bonjour, voulez-vous perdre votre confort de vie qui doit être plus qu'acceptable contre une vie à la base où, sans doute, vous partirez après avoir démissionné pour cause de peut-être dépression ?" Tout cela sembla fort peu raisonnable, mais quand Taride avait une idée en tête, il fallait lui obéir. Ah... Qu'allait-il imaginer ? Jamais cet Eilaire n'accepterait. En plus, il ne savait même pas à quoi il ressemblait celui-là. Tsss...
Peu décidé, Saralin sortit de la voiture, respira un coup avant d'approcher de l'hôtel. Il était rudement impressionnant quand même. Finalement, quand il amorça un geste pour pouvoir pousser la porte, celle ci s'ouvrit immédiatement pour laisser entrer le sous-lieutenant dans un vaste hall richement décoré mais sans superflu, où régnait une douce odeur sucrée et où la température était idéale. Il laissa son regard se promener dans le lieu, passant des quelques tableaux à l'ascenseur, de l'escalier au comptoir, du sol au gorille qui se postait devant lui. Huum, Gorille ? Ah, ça s'annonçait mal pour notre frêle Saralin, homme de bureau avant tout.
Il resta un moment paralysé devant l'homme qui lui faisait face, Humanoïde sans doute, mais à la taille démesurément impressionnante, aux épaules droites et larges et au superbe costume de pingouin qu'il convenait que les hommes portes en ces lieux. Saralin déglutit avant de réussir à articuler lentement :
" Heu... C'est vous, M Traminne Eilaire ?"
Le gorille ne bougea pas d'un pouce, examinant l'homme qui venait d'entrer.
" C'est.. l'armée qui m'envoie et .. je.. heu.. je ..."
Finalement, devant l'uniforme sans doute, la prestance de Saralin n'y était assurément pour pas grand-chose, le gorille se dirigea d'un pas lourd vers un petit interphone. Il appuya sur le bouton d'un de ces gros doigts, et pendant un instant, le sous-lieutenant se demanda s'il n'allait pas casser le si fragile boîtier .
" Patron, on vous demande."
Le militaire ne fit pas un pas. Un pas de trop, ça pourrait bien lui être fatal, il en était certain. Non, ce n'était que le gardien sans doute. Il ne frapperait pas un militaire. Oui, c'est cela : rassurons-nous par ces pensées simplistes. Il ne frapperait pas un militaire voyons ! Quoi que... Cette énorme balafre sur la joue lui faisait penser que notre gardien ne devait pas avoir eu un passé des plus tranquilles.
Finalement, la porte de l'ascenseur central s'ouvrit. Saralin sentait son coeur battra à travers sa cage thoracique. Si un molosse comme celui-là appelait patron quelqu'un... Quel devait être la taille de la personne ! Il plissa un peu les yeux pour tenter d'apercevoir quelque chose, mais le colosse cachait la vue. Bon, ça devait être quelqu'un de monstrueux aussi pour que Taride pense qu'il pouvait résister au Capitaine de Balor...
Et soudain, le mythe se brisa. Il entendit une voix, plutôt jolie, mais très féminine, dire sèchement
" La prochaine fois, fait asseoir monsieur."
Ce qui venait vers Saralin, ce n'était pas un colosse. Ce n'était même pas un homme comme il en était convaincu. Il déglutit et examina ce qui s'approchait de lui.
C'était une femme. Une ase même. Elle avait ce qui pouvait s'appeler un physique intéressant. La demoiselle était plutôt petite et était très fine. Elle avait de longues jambes fines, de longs bras fins et un corps sans trop de forme : Peu de poitrine, peu de courbes alléchantes au regard, seule sa taille était bien marquée. Mais cette finesse, marquée par des angles et des droites brutes plus que par des courbes, restait sans excès. Sa peau était très pâle, normal, c'est une ase après tout. Ces gestes étaient lents mais délicats, chacun d'eux semblant être mûrement réfléchis afin d'éviter tout superflu. Elle portait à sa bouche l'une de ces mains, passant son index devant ses lèvres.
Ce que le sous-lieutenant Saralin ne savait pas, c'est que chez cette Ase, toutes expressions passaient par ces mains. Seule une observation très avancée des dites mains pouvait renseigner des humeurs de la demoiselle. L'index devant la bouche signifiait l'étonnement, l'interrogation, si elle grignotait son pouce, c'était le questionnement, l'agacement, les doigts qui s'agitent doucement les bras croisés signifiait l'agacement pur, la colère. Il y avait également quand elle mettait son index sur sa joue, cela signifiait qu'elle était perdue dans ses pensées... Et les mains dans le dos signifiaient qu'elle attendait. Et c'était ainsi pour tout le reste, la demoiselle gardait en toute circonstance sur son visage un regard froid, un léger sourire aux lèvres naturellement présent, mais surtout, une incroyable passivité, une inexpressivité totale.
Parlons-en du visage justement. Maintenant que l'Ase était plantée devant le sous-lieutenant Saralin, il pouvait à loisir le regarder. Son visage était pour le moins singulier : il était long et ovale, et finissait dans un menton légèrement pointu, ses lèvres étaient sans couleurs formant un très léger sourire, tout juste marqué par un maquillage léger, son nez était légèrement long et pointu, s'accordant bien au reste du corps par sa finesse, et ces yeux étaient ovale, d'une couleur marron clair, marqué eux aussi par un maquillage qui assombrissait le regard. Et ils étaient froids. Très froids. Aucune chaleur, gentillesse ne semblait émaner de ces yeux-là. Peut-être un peu de malice... Et de temps en temps, de la rêverie. Ils regardaient et examinaient Saralin méthodiquement, faisait un minimum d'aller-retour. Elle avait également de charmante petite touche légèrement saumon sur les joues et sur le bout de son nez.
Les cheveux aussi avait une couleur singulière : renforçant la touche de délavé qui semblait caractériser l'ase, ils étaient d'un espèce de gris cendré, mi long et attaché de manière très stricte. Saralin avait réussi à savoir qu'elle avait fait partie du corps militaire. Maintenant, plus de doute. Il y avait aussi les cornes de la demoiselle, c'était une ase après tout, qui partait en tire bouchon, collé contre la tête, d'une couleur étrangement proche de la couleur des cheveux.
L'ase mit ces mains derrière son dos, faisant un léger déhanché et regarda le sous-lieutenant Saralin dans les yeux. Elle portait sur elle des vêtements large, d'un tissus léger et subtilement transparent par endroit, mais qui pour autant, ne dévoilait rien d'elle. Les couleurs de ces vêtements étaient eux-mêmes délavées, de couleur pastel, ce qui lui allait bien. Chaque matin, cette Ase prenait toujours beaucoup de temps à bien choisir ses vêtements, à se maquiller, même légèrement. Elle prenait grand soin de l'apparence qu'elle reflétait aux autres, cela se voyait au premier coup d'oeil. Malgré cela, sa garde-robe n'était composée que de vêtements larges, légers, aériens aussi, mais qui restaient toujours pratiques, agréables à porter et confortable. Elle arrivait très bien à manier les deux... Enfin, selon elle.
Se fut le son de sa voix, froide, claire et douce en même temps, qui fit redescendre sur Babylone Saralin.
" Et bien ?"
Il la regarda d'un air un peu hébété, toujours sous le choc que le monstre qui devait résister à l'affreux Capitaine de Balor n'était qu'une petite poupée d'apparence, mais il se secoua et finit par articuler :
" Eilaire Traminne ?"
Elle approuva d'un hochement de tête.
" C'est le Lieutenant Taride qui m'envoie pour vous proposer l'offre suivante : devenir l'intendante du Capitaine Portanares sur l'ex-vivenef à présent Base Balor !"
Maintenant, tu me rigoles au nez, et je m'en vais discrètement, pensait Saralin. Car c'était ce qui allait ce passer ! En toute logique. Seulement, l'ase en face de lui avait une logique toute particulière.
" J'accepte."
Saralin soupira et commença à dire :
" Oui, je comprends très bien, je suis navré de vous avoir dé-ran-gée... Vous quoi ?
- J'accepte.
- Ah ! Heu, oui, bien sûr... Vous ! Vous..."
Pour dire vrai, Saralin n'avait pas prévu que la demoiselle accepte.
" On viendra bientôt vous chercher et vous recevrez une offre avec plus de détails... Et bonne journée Madame !
- Mademoiselle."
Saralin fit claquer ses talons, car il adorait ça, et fit demi-tour, passant triomphalement devant le gorille qui regardait encore l'Ase d'un air aussi surpris qu'il l'avait été lui-même. Il sortit du grand bâtiment et trouva le Lieutenant Taride, qui l'attendait là, dehors, appuyé contre la voiture. Saralin pressa un peu le pas et entra dans la voiture, sans un mot, suivi par Taride.
" Alors, elle a accepté, pas vrai ?
- Oui, c'est incompréhensible !
- Aaaah, pas tellement quand on connaît un peu la demoiselle.
- Mais même ! Avez-vous bien regardé le palace dans lequel elle travaille !
- En tant que chef du personnel, c'est pas comme si elle en était la patronne... Et connaître un peu son histoire permet de bien cerner le personnage...
- Mais Lieutenant ! C'est de la cruauté de l'arracher à ça pour...
- Allô, allô...
- Dîtes, vous m'écoutez ?"
Eilaire s'était assise dans le siège le plus proche d'elle. Elle avait d'un geste de main renvoyé le Gorille à son poste qui lui jetait de temps en temps des regards inquiets. Elle posa sa tête dans ses mains et murmura :
" Allô, allô..."
Le lieutenant Taride, de nouveau, s'énervait devant le rapport qu'il venait juste de recevoir. Il faisait de grands moulinets avec ses bras, brassant l'air d'une mine exaspérée. Son coéquipier, le sous-lieutenant Saralin, tourna lentement son siège et regarda mollement son supérieur.
" Quoi encore ?
- Le capitaine Portanares... Il a encore fait fuir l'intendante que je lui avais mis ! Ah pourtant, elle avait du caractère celle-là ! Merdemerdemerde !
- C'est son combien ?
- C'est la 3 ème que je lui mets en quatre mois ! J'vais bien quand même réussir à trouver quelqu'un de correct qui tiendra plus de 2 mois ! Et il a fait fuir celle là en une journée..."
Et il porta son pouce à sa bouche qu'il se mit à le grignoter. Quelle erreur d'avoir accepté ce poste ! Celui où il devait s'occuper de recruter le personnel ! Mais c'était quoi, le capitaine Portanares pour réussir à faire fuir autant de personne en si peu de temps ? Surtout qu'une légende racontait qu'il en était au moins à son trentième intendant. Et que celui qui occupait ce poste avant Taride avait déserté car trop de pressions... Et trop de dépressions aussi.
" Le stresse ! Se plaignit Taride à voix haute. Un tolard ! P'tet qu'un tolard...
- Qu'est-ce qu'il faut exactement ?
- Quelqu'un de résistant... Quelqu'un qui ne se laisserait pas marcher sur les pieds... Quelqu'un qui soit organisée, qui ait une forte volonté... Et vu que costaud, ça marche pas, quelqu'un de froid peut-être ?"
Quand il prononça le mot "froid", il vit un visage apparaître dans son esprit. Rien que cette vision lui donna un frisson qui parcourra le long de son échine. Ah mais ! Où en était-elle celle-là ? Bon, ça valait le coup d'essayer ! Car si jamais elle avait bien fait ce qu’il lui avait conseillé, si elle avait conservé son attitude froide, cette attitude du je-m'en-foutisme qui la caractérisait si bien, alors...
Elle serait parfaite. Enfin, peut-être...
" Saralin ! Tu vas me chercher quelqu'un ! Eilaire Traminne !
- Et où il se trouve, cet Eilaire ?
- Je t'envoie l'adresse de l'hôtel où travaille notre futur intendant. Tu vas là-bas, tu la ramènes ici... Et que ça saute !!"
[...]
Saralin, de son prénom Thomas resta un moment silencieux devant l'immense hôtel qui lui faisait face. Après un voyage assez agréable, il avait enfin pu atterrir sur une planète du cercle où se trouvait le lieu de travail du fameux Eilaire... C'était un hôtel grandiose, où seuls les gens assez fortunés pouvaient y rentrer et y passer une nuit et sérieusement, le sous-lieutenant se posait bien des questions. Un endroit aussi chic, contre une base ? Si bien payé contre... Ah, non, les intendants du capitaine Portanares étaient toujours bien payés... Argument pour rester en place en fait. Mais une situation stable pour être au service de l'armée ? La sécurité d'une petite vie pépère contre l'insécurité d'une base spatiale ? Que diable faisait-il ici ? Qui accepterait de perdre cet hôtel contre un poste d'intendant ?
Pendant une seconde, Saralin pensa sérieusement à partir d'ici sans même demander... Mais ce fourbe de Taride serait bien capable de lui poser des questions sur le physique de cet Eilaire juste pour voir s'il l'avait bien rencontré pour lui poser la question " Bonjour, voulez-vous perdre votre confort de vie qui doit être plus qu'acceptable contre une vie à la base où, sans doute, vous partirez après avoir démissionné pour cause de peut-être dépression ?" Tout cela sembla fort peu raisonnable, mais quand Taride avait une idée en tête, il fallait lui obéir. Ah... Qu'allait-il imaginer ? Jamais cet Eilaire n'accepterait. En plus, il ne savait même pas à quoi il ressemblait celui-là. Tsss...
Peu décidé, Saralin sortit de la voiture, respira un coup avant d'approcher de l'hôtel. Il était rudement impressionnant quand même. Finalement, quand il amorça un geste pour pouvoir pousser la porte, celle ci s'ouvrit immédiatement pour laisser entrer le sous-lieutenant dans un vaste hall richement décoré mais sans superflu, où régnait une douce odeur sucrée et où la température était idéale. Il laissa son regard se promener dans le lieu, passant des quelques tableaux à l'ascenseur, de l'escalier au comptoir, du sol au gorille qui se postait devant lui. Huum, Gorille ? Ah, ça s'annonçait mal pour notre frêle Saralin, homme de bureau avant tout.
Il resta un moment paralysé devant l'homme qui lui faisait face, Humanoïde sans doute, mais à la taille démesurément impressionnante, aux épaules droites et larges et au superbe costume de pingouin qu'il convenait que les hommes portes en ces lieux. Saralin déglutit avant de réussir à articuler lentement :
" Heu... C'est vous, M Traminne Eilaire ?"
Le gorille ne bougea pas d'un pouce, examinant l'homme qui venait d'entrer.
" C'est.. l'armée qui m'envoie et .. je.. heu.. je ..."
Finalement, devant l'uniforme sans doute, la prestance de Saralin n'y était assurément pour pas grand-chose, le gorille se dirigea d'un pas lourd vers un petit interphone. Il appuya sur le bouton d'un de ces gros doigts, et pendant un instant, le sous-lieutenant se demanda s'il n'allait pas casser le si fragile boîtier .
" Patron, on vous demande."
Le militaire ne fit pas un pas. Un pas de trop, ça pourrait bien lui être fatal, il en était certain. Non, ce n'était que le gardien sans doute. Il ne frapperait pas un militaire. Oui, c'est cela : rassurons-nous par ces pensées simplistes. Il ne frapperait pas un militaire voyons ! Quoi que... Cette énorme balafre sur la joue lui faisait penser que notre gardien ne devait pas avoir eu un passé des plus tranquilles.
Finalement, la porte de l'ascenseur central s'ouvrit. Saralin sentait son coeur battra à travers sa cage thoracique. Si un molosse comme celui-là appelait patron quelqu'un... Quel devait être la taille de la personne ! Il plissa un peu les yeux pour tenter d'apercevoir quelque chose, mais le colosse cachait la vue. Bon, ça devait être quelqu'un de monstrueux aussi pour que Taride pense qu'il pouvait résister au Capitaine de Balor...
Et soudain, le mythe se brisa. Il entendit une voix, plutôt jolie, mais très féminine, dire sèchement
" La prochaine fois, fait asseoir monsieur."
Ce qui venait vers Saralin, ce n'était pas un colosse. Ce n'était même pas un homme comme il en était convaincu. Il déglutit et examina ce qui s'approchait de lui.
C'était une femme. Une ase même. Elle avait ce qui pouvait s'appeler un physique intéressant. La demoiselle était plutôt petite et était très fine. Elle avait de longues jambes fines, de longs bras fins et un corps sans trop de forme : Peu de poitrine, peu de courbes alléchantes au regard, seule sa taille était bien marquée. Mais cette finesse, marquée par des angles et des droites brutes plus que par des courbes, restait sans excès. Sa peau était très pâle, normal, c'est une ase après tout. Ces gestes étaient lents mais délicats, chacun d'eux semblant être mûrement réfléchis afin d'éviter tout superflu. Elle portait à sa bouche l'une de ces mains, passant son index devant ses lèvres.
Ce que le sous-lieutenant Saralin ne savait pas, c'est que chez cette Ase, toutes expressions passaient par ces mains. Seule une observation très avancée des dites mains pouvait renseigner des humeurs de la demoiselle. L'index devant la bouche signifiait l'étonnement, l'interrogation, si elle grignotait son pouce, c'était le questionnement, l'agacement, les doigts qui s'agitent doucement les bras croisés signifiait l'agacement pur, la colère. Il y avait également quand elle mettait son index sur sa joue, cela signifiait qu'elle était perdue dans ses pensées... Et les mains dans le dos signifiaient qu'elle attendait. Et c'était ainsi pour tout le reste, la demoiselle gardait en toute circonstance sur son visage un regard froid, un léger sourire aux lèvres naturellement présent, mais surtout, une incroyable passivité, une inexpressivité totale.
Parlons-en du visage justement. Maintenant que l'Ase était plantée devant le sous-lieutenant Saralin, il pouvait à loisir le regarder. Son visage était pour le moins singulier : il était long et ovale, et finissait dans un menton légèrement pointu, ses lèvres étaient sans couleurs formant un très léger sourire, tout juste marqué par un maquillage léger, son nez était légèrement long et pointu, s'accordant bien au reste du corps par sa finesse, et ces yeux étaient ovale, d'une couleur marron clair, marqué eux aussi par un maquillage qui assombrissait le regard. Et ils étaient froids. Très froids. Aucune chaleur, gentillesse ne semblait émaner de ces yeux-là. Peut-être un peu de malice... Et de temps en temps, de la rêverie. Ils regardaient et examinaient Saralin méthodiquement, faisait un minimum d'aller-retour. Elle avait également de charmante petite touche légèrement saumon sur les joues et sur le bout de son nez.
Les cheveux aussi avait une couleur singulière : renforçant la touche de délavé qui semblait caractériser l'ase, ils étaient d'un espèce de gris cendré, mi long et attaché de manière très stricte. Saralin avait réussi à savoir qu'elle avait fait partie du corps militaire. Maintenant, plus de doute. Il y avait aussi les cornes de la demoiselle, c'était une ase après tout, qui partait en tire bouchon, collé contre la tête, d'une couleur étrangement proche de la couleur des cheveux.
L'ase mit ces mains derrière son dos, faisant un léger déhanché et regarda le sous-lieutenant Saralin dans les yeux. Elle portait sur elle des vêtements large, d'un tissus léger et subtilement transparent par endroit, mais qui pour autant, ne dévoilait rien d'elle. Les couleurs de ces vêtements étaient eux-mêmes délavées, de couleur pastel, ce qui lui allait bien. Chaque matin, cette Ase prenait toujours beaucoup de temps à bien choisir ses vêtements, à se maquiller, même légèrement. Elle prenait grand soin de l'apparence qu'elle reflétait aux autres, cela se voyait au premier coup d'oeil. Malgré cela, sa garde-robe n'était composée que de vêtements larges, légers, aériens aussi, mais qui restaient toujours pratiques, agréables à porter et confortable. Elle arrivait très bien à manier les deux... Enfin, selon elle.
Se fut le son de sa voix, froide, claire et douce en même temps, qui fit redescendre sur Babylone Saralin.
" Et bien ?"
Il la regarda d'un air un peu hébété, toujours sous le choc que le monstre qui devait résister à l'affreux Capitaine de Balor n'était qu'une petite poupée d'apparence, mais il se secoua et finit par articuler :
" Eilaire Traminne ?"
Elle approuva d'un hochement de tête.
" C'est le Lieutenant Taride qui m'envoie pour vous proposer l'offre suivante : devenir l'intendante du Capitaine Portanares sur l'ex-vivenef à présent Base Balor !"
Maintenant, tu me rigoles au nez, et je m'en vais discrètement, pensait Saralin. Car c'était ce qui allait ce passer ! En toute logique. Seulement, l'ase en face de lui avait une logique toute particulière.
" J'accepte."
Saralin soupira et commença à dire :
" Oui, je comprends très bien, je suis navré de vous avoir dé-ran-gée... Vous quoi ?
- J'accepte.
- Ah ! Heu, oui, bien sûr... Vous ! Vous..."
Pour dire vrai, Saralin n'avait pas prévu que la demoiselle accepte.
" On viendra bientôt vous chercher et vous recevrez une offre avec plus de détails... Et bonne journée Madame !
- Mademoiselle."
Saralin fit claquer ses talons, car il adorait ça, et fit demi-tour, passant triomphalement devant le gorille qui regardait encore l'Ase d'un air aussi surpris qu'il l'avait été lui-même. Il sortit du grand bâtiment et trouva le Lieutenant Taride, qui l'attendait là, dehors, appuyé contre la voiture. Saralin pressa un peu le pas et entra dans la voiture, sans un mot, suivi par Taride.
" Alors, elle a accepté, pas vrai ?
- Oui, c'est incompréhensible !
- Aaaah, pas tellement quand on connaît un peu la demoiselle.
- Mais même ! Avez-vous bien regardé le palace dans lequel elle travaille !
- En tant que chef du personnel, c'est pas comme si elle en était la patronne... Et connaître un peu son histoire permet de bien cerner le personnage...
- Mais Lieutenant ! C'est de la cruauté de l'arracher à ça pour...
- Allô, allô...
- Dîtes, vous m'écoutez ?"
Eilaire s'était assise dans le siège le plus proche d'elle. Elle avait d'un geste de main renvoyé le Gorille à son poste qui lui jetait de temps en temps des regards inquiets. Elle posa sa tête dans ses mains et murmura :
" Allô, allô..."
Dernière édition par le Ven 4 Jan 2008 - 2:48, édité 1 fois