Andrea se retourna vivement et pointa un doigt accusateur. Il s’approcha d’un pas conquérant et s’accroupit devant la fautive, sa bouteille d’eau minérale à la main. Il fit couler le liquide salvateur dans la terre desséchée.
« On ne profite pas du fait que j’ai le dos tourner pour dépérir, ma p’tite ! »
Le grand jeune homme reboucha la bouteille et pencha légèrement la tête de côté en regardant fixement la petite pousse verte qui s’était un peu avachie.
Puis il se redressa et scruta la soute de son œil vif, à la recherche d’une plante à arroser. La soute était vivement éclairée par des lampes reproduisant la lumière solaire. Cette installation exceptionnelle était arrivée comme un don du ciel pour Andrea. En temps normal, la luminosité était très réduite dans la cale, mais avec cette cargaison de plantes médicinales, il avait fallu y remédier. C’était une dépense d’énergie nécessaire.
Toutes ces petites pousses vertes prenaient beaucoup de place et il y avait moins de caisses que d’habitude dans la cale. Néanmoins, il y en avait et Andrea préférait ne pas savoir ce qu’elle contenait. Autant il aimait l’idée d’un trafic de plantes vertes bénéfiques, autant il se sentait mal à l’aise lorsqu’il se disait qu’il dormait sans doute en compagnie d’armes et pire : de drogues.
Non, il les avait toutes arrosées. Et il n’avait plus rien à faire. Alors il soupira, posa sa bouteille d’eau et alla s’asseoir dans un coin, guettant la porte et espérant une visite surprise sans trop y croire.
Il lança un regard peu amène à ses grandes pattes étendues devant lui. Comment Oliver avait appelé ce truc ? Ah oui ! Un jean serré… Andrea flottait dedans et avant même tendance à le perdre. Pourtant, il était trop court. La prochaine fois que l’infirmier lui rendrait visite, il lui demanderait une ceinture…
Andrea cessa sa contemplation et se releva une nouvelle fois pour s’approcher du lit de camp qu’on avait gracieusement installé dans la cale pour son usage personnel. Il attrapa le magazine qui traînait sur la couverture proprement arrangée (oui, Andrea faisait méticuleusement son lit dès qu’il se réveillait). Il l’ouvrit sans grande conviction puis le referma presque aussitôt pour le laisser tomber sur le lit avec une grimace de dégoût et de mépris profond.
À ce moment-là, la porte de la cale s’ouvrit laissant entrer une grande boule de poils noirs. Maruk, le chien du Bosco, avait un jour expliqué Oliver. Le chien s’approcha de lui et s’assit à ses pieds, remuant joyeusement la queue. Il tenait une balle en caoutchouc entre ses solides dents. Andrea soupira et caressa maladroitement le crâne de l’animal en pensant que lui n’avait pas de bonnes dents. Il avait même entendu dire qu’avoir un créneau était synonyme de révocation, dans l’armée, à une époque lointaine où il fallait déchirer des sachets de poudre avec les dents. Laissant dériver ses pensées, Andrea songea ensuite qu’il ne fallait pas révoquer ces pauvres bougres, mais leur donner un chien. Enfin… Quand on considérait qu’être dans l’armée était une bonne chose. Andrea pouvait se permettre de ne pas se poser la question, à présent.
Même s’il était un jour relâché, Andrea pouvait dire adieu à toute carrière militaire. Qu’allait-il faire de sa vie ? Il était mal barré. Il ne voulait pas retourner voir son Maréchal de père, tout tremblant comme il l’était.
Mais le chien attendait. En poussant un soupir, Andrea tendit la main.
« Tu sais pourtant aussi bien que moi que je ne suis pas doué pour ça. »
Ignorant les mots du jeune homme, le chien lâcha la balle dans sa paume et s’écarta en sautillant avec une joie constante.
Andrea ne comprenait pas les animaux. On avait beau lui expliquer que c’était simple, il fallait se comporter comme ceci, comme cela et tout allait bien, Andrea ne comprenait toujours pas. Il était mal à l’aise avec les bestioles. Les bestioles de toutes sortes. Plus incompréhensible encore, ce sentiment n’était pas du tout partagé. Andrea attirait la sympathie des bestioles. Des bestioles de toutes sortes. Notamment celle des papillons de nuit, pouah !
Mais Andrea avait beau briefer Maruk à chaque fois pour lui expliquer entre quatre yeux qu’il n’était pas un bon compagnon pour un chien, celui-ci revenait toujours. Il avait les autorisations pour entrer.
Vous vous rendez compte ? Le chien pouvait entrer et sortir à sa guise ! La porte s’ouvrait pour lui ! Andrea en éprouvait une certaine jalousie. Lui ne pouvait sortir que pour aller aux toilettes par un ingénieux système de sécurité. Andrea envisagea une seconde de garder la balle pour se venger.
Il regarda le chien, l’œil pétillant, la queue vivement animée et la langue pendante.
Nan, il ne pouvait pas faire ça. Il lança la balle à l’autre bout de la pièce et le chien bondit avec une rapidité et un enthousiasme qui dépassait l’entendement du rouquin. En quelques secondes, la balle était à ses pieds. Andrea soupira, s’assit sur le sol et renvoya la balle sans conviction au même endroit. Il eut beau recommencer encore et encore, le chien y trouvait toujours autant d’intérêt.
La porte s’ouvrit de nouveau. Andrea sursauta. Oliver ! Il se leva d’un bond pour aller chercher le magazine et il envoya le dernier numéro de Cosmoplayboy à la figure du nouvel arrivant sous le regard interrogateur de Maruk.
« Je t’avais dit « de la lecture » ! »
[J'espère que j'ai pas fait de bêtise avec Maruk. Sinon, j'éditerais. ^^' ]