Février 3330, Q.G. interarmées de la base militaire spatiale Balor.
«
NOM
De Balras – MacQueen
Julianno haussa les sourcils.
« MacQueen ? »
Le Maréchal Julianno Cyn était assis derrière le bureau de l’Amiral Gertrud Heimenepfelt, qu’on avait plutôt intérêt à appeler Gerry, si on ne voulait pas mourir, fusillé par le regard de glace de la grande, maladroite et distraite Ase. Gerry était incapable de tenir en place plus d’une heure. Elle était d’ailleurs en train de trier et ranger des dossiers dans les casiers qui tapissaient les vastes murs de son bureau. Julianno la soupçonnait d’adorer ça : trier, ranger, classer, reprendre les dossiers, les ranger à nouveau, lire les rapports des agents de renseignement de l’armée, sélectionner les informations les plus importantes, en faire la synthèse, les classer, les trier, les ranger… Oui, en fait, Julianno était convaincu que Gerry adorait son travail à la tête du Département des Renseignements de la Spatiale. Et son agitation constante faisait qu’elle profitait très peu de son si confortable fauteuil en cuir noir – quel gâchis ! – que Julianno s’était donc approprié dès son arrivée dans le bureau de l’Amiral Heimenepfelt. L’élégant Maréchal de la Flotte lisait la rapide fiche de renseignement que lui avait confectionné Gerry sur Anthony De Balras. Il avait basculé le dossier du fauteuil en arrière et la veste de son uniforme pendait lamentablement dessus. D’un pied, il faisait pivoter le fauteuil de droite à gauche, comme pour se bercer, tandis que l’autre reposait sur son genou. Les collègues devant lesquels il se serait permis une telle nonchalance se comptaient sur les doigts d’une main. Gerry en faisait partie, bien sûr.
Cette dernière referma un tiroir d’un coup sec. Elle était nerveuse. C’était normal, étant donné la situation. Julianno aussi était nerveux, même s’il affichait un calme trompeur.
« Oui. MacQueen. Les membres de la famille tiennent à garder ce nom. Celui d’un clan, ou je ne sais quoi… Quelque chose qui vient de l’Ancienne Terre. »
Gerry secoua la tête en marmonnant quelque chose comme « les humains ! ». Julianno n’y prêta pas attention et reprit sa lecture.
«
PRÉNOM(S)
Anthony Adrian Alexander
SURNOM(S) CONNU(S)
Aucun
JOUR DE NAISSANCE
21 Juin 3294
SEXE
Masculin
ESPÈCE
Humain
ARMÉE
Flotte Spatiale du Cercle
GRADE
Capitaine
Julianno cessa de faire tourner le fauteuil et passa un doigt sur ses lèvres d’un air pensif.
« Selon toi, c’est normal qu’il soit Capitaine ? »
Gerry arrêta de tourner les pages du dossier qu’elle tenait en main.
« Tu me rappelles son âge ? »
Julianno fit un rapide calcul.
« Trente-cinq ans.
- Pour un officier normal, c’est tout à fait honorable… Mais c’est un De Balras. Vu ses états de service, il aurait pu au moins être Commandant. Le soucis, c’est qu’il est sous les ordres du Vice-amiral Gozzi depuis sa sortie de l’EOSA.
- Plus de dix ans… Ce type est aussi stupide que son grand frère, De Balras est complètement bloqué avec lui. Pour preuve, le dernier incident… Si on avait trouvé le moyen d’évincer Gozzi avant ça… »
Gerry eut un bref rire ironique.
« Vous ne pouvez pas l’évincer. Ses appuis politiques sont trop nombreux. »
Par « vous », Gerry entendait bien sûr le Maréchal Cyn et le Général Bishamon-Ten.
Julianno poussa un grognement mécontent.
« Bon, puisqu’on ne peut pas écarter Gozzi, nous devons essayer de sortir De Balras de cette… situation délicate.
- Tu allais dire « de cette merde ».
- C’est toi qui l’a dit, répliqua Julianno d’un ton doucereux.
- Tu l’as pensé si fort… En tout cas, tu as raison. J’espère juste qu’il n’est pas trop tard. »
Julianno hocha gravement la tête avant de continuer sa lecture de la fiche de renseignement.
«
DERNIÈRE AFFECTATION
VFC Puck, frégate de classe Elfe, Cinquième Flotte.
RÉSIDENCE
Le Capitaine Anthony De Balras possède un appartement fort modeste dans une banlieue de Carbonek, sur Avalon. Il semblerait qu’il se soit contenté de sa solde pour se payer ce logement et l’entretenir. Il n’a pas pioché dans l’immense fortune familiale des De Balras. Cet appartement ne sert quasiment pas et personne d’autre que lui ne semble y être entré depuis sa séparation avec Gabrielle Finnucan. D’ailleurs, lui-même s’y rend rarement. Lors de ses permissions, il séjourne systématiquement dans la demeure de ses parents, un manoir situé un peu à l’écart de la ville, notamment parce que sa fille, Julia De Balras y vit.
« Très « people », les renseignements sur sa résidence, fit remarquer Julianno. »
Continuant de consulter son précieux dossier, Gerry haussa les épaules.
« Elles ne peuvent pas s’en empêcher.
- Qui ? De quoi ?
- Les femmes. De se renseigner là-dessus. Je te rappelle que je suis célibataire, moi.
- Pourquoi ? Il ressemble à quoi ?
- À son père, évidemment.
- Mais encore ?
- Regarde sur la page suivante, celle du signalement, il y a une photo. »
Julianno obéit et observa attentivement la photo d’identité qui se trouvait dans le coin à droite. Il ne put réprimer un sourire lorsqu’il se rendit compte que le jeune homme qui y figurait avait réussi à défier les terribles machines de la Flotte en affichant un léger sourire en coin. Ces horribles photographes automatiques s’obstinaient à vous refuser la moindre expression et s’acharnaient sur vous jusqu’à ce que vous fassiez la gueule la plus sinistre possible. Il était donc possible d’émousser la patience des I.A. de ces engins infernaux ?
Julianno repoussa cette pensée amusante pour se concentrer sur la photo.
« On ne voit pas grand-chose, son visage est trop pâle.
- Tu veux le holo ?
- Ce serait pas de refus. Même si je vais le voir en chair et en os d’ici une demi-heure…
- Déjà ? »
Tout en fouillant dans un nouveau tiroir, Gerry jeta un œil à son chronomètre d’un air inquiet. Julianno savait ce qui la tracassait : elle détestait arriver en retard.
« Il faudra penser à y aller.
- Du calme ! On a encore un peu de temps devant nous… Bon, il vient ce holo ?
- Oui, oui ! »
Gerry mit enfin la main sur un petit sachet plastique transparent étiqueté dans lequel se trouvait une puce de données. Elle s’approcha du bureau. Julianno écarta le fauteuil sur lequel il était assis pour la laisser accéder à son ordinateur. Gerry inséra la puce, ce qui lança le lecteur holographique. L’image du général Bishamon-Ten en pied se matérialisa au-dessus du bureau. Gerry appuya sur une touche de son clavier et la garda enfoncée. Une série d’officiers défila à toute allure devant les yeux de Julianno. Il y avait de tout : des officiers généraux, des officiers supérieurs, des officiers subalternes, des officiers mariniers, de simples matelots, même des aspirants… Dans le lot, Julianno eut le temps de repérer l’Amiral De Balras, Jan Sanada, Federico Portanares, le nom de Korazov, un médecin souriant, Joseph Von Marsten et même un jeune fusilier qui lui disait vaguement quelque chose.
« Attends… Comment tu classes tes holos ? Demanda Julianno, perplexe.
- De la meilleure façon pour que je puisse me rappeler où est qui.
- C’est-à-dire ?
- C’est-à-dire que tu te trouves devant la seule puce de donnée du Cercle regroupant les plus beaux hommes de la Flotte. »
Julianno éclata d’un rire moqueur.
« C’est ça, moque-toi. Tu pourras toujours attendre que je te montre la puce des plus belles femmes de la Flotte. »
Julianno transforma ostensiblement son rire en quinte de toux.
« Tu disais ? »
Gerry ricana. Julianno plaisantait bien sûr. Tout le monde savait que pour lui, la plus belle femme de la galaxie, c’était la sienne. Le Maréchal regarda à nouveau les différents visages masculins défiler.
« Et je suis dedans ? Demanda-t-il stupidement.
- Évidemment, patate ! Mais ne t’avise pas d’aller raconter ça à Carolyn. Je suis trop jeune pour mourir. Il y a ton fils, aussi.
- Il est mignon, hein ? »
Julianno affichait à peu près le même sourire de propriétaire lorsqu’il parlait de sa femme, ce qui en disait long sur l’affection qu’il avait pour son fils. La seule personne proche de lui à laquelle il ne le montrait pas, c’était son fils, justement. Gerry pensa que les hommes étaient tous des idiots.
« Très mignon.
- Attention, pas touche. »
Enfin, Gerry s’arrêta sur le portrait d’Anthony De Balras.
« Le voilà. »
Julianno l’examina quelques instants. Il était difficile d’évaluer sa taille, mais il avait l’air élancé. Son uniforme était impeccable et le Maréchal ne put retenir un léger hochement de tête approbateur. Mis à part cela, il avait effectivement plutôt belle allure, un visage étrange, mais pas déplaisant pour autant. Il était bien fait, les épaules assez larges, mais il avait malgré tout l’air de ne pas peser très lourd. Et surtout, il ressemblait énormément à son père, qui était très séduisant en son temps, et qui avait toujours de beaux restes.
« Pas mal, déclara finalement Julianno. Il a un genre. »
Gerry stoppa la projection en soupirant et en faisant rouler ses yeux dans ses orbites. Les hommes… Elle retira la puce de l’ordinateur, la replaça dans sa pochette et alla la ranger. Il était difficile de leur arracher un compliment sur l’un de leurs semblables. Autant une femme pouvait admettre qu’une autre était magnifique, autant un homme… Désespérant.
Pendant ce temps, Julianno parcourut en diagonal le signalement d’Anthony De Balras.
«
SIGNALEMENT
Anthony De Balras mesure 1,91 mètre pour 87 kilogrammes. Sa musculature est entretenue par la pratique régulière de l’escrime, mais son poids reste léger par rapport à sa haute taille. Selon son dossier médical, il a un très bon maintien et son dos n’est sujet à aucune déformation. Ses membres sont longs et empreints d’une force physique honorable. Le Capitaine De Balras a globalement les caractéristiques physiques de quelqu’un de sportif qui ne tombe pas dans l’excès des athlètes de haut niveau. À l’image de son corps, ses mains sont fines et musclées, mais on remarquera la présence de cals sur ces dernières. Sa peau a une teinte cireuse assez inhabituelle, mais après examen, elle ne semble pas due au moindre problème médical. Elle est aussi très fine et fragile, brûlant très facilement. Il se pourrait que tout cela soit dû à l’enracinement de longue date de sa famille sur Avalon. Le docteur Hautefeuille, qui étudie l’évolution de l’espèce humaine et son adaptation aux milieux coloniaux, a pris contact avec le Capitaine De Balras. Son système pileux est peu développé, il se rase de près et il porte sa chevelure noire et extrêmement bouclée longue, généralement attachée en catogan ou en queue-de-cheval. Cette coiffure est atypique dans l’armée, mais réglementaire dans la Flotte et il n’est pas le seul à en profiter. Cette profusion de boucles noires est le trait le plus évident qu’il tient de sa mère. Son visage, quant à lui, comporte nombre de traits caractéristiques aux De Balras : son menton légèrement en galoche, son nez droit, un peu busqué, la forme étirée de ses yeux noirs bordés de longs cils… Ainsi qu’un strabisme convergeant très léger, selon le dossier médical du Capitaine.
Ah bon ? Julianno haussa les sourcils et leva les yeux pour regarder à nouveau la photo d’identité. Il ferma à demi ses paupières et éloigna un peu la feuille… Mmh… Oui… Peut-être bien. Il avait un air… Concentré.
«
NOM
De Balras – MacQueen
»
Julianno haussa les sourcils.
« MacQueen ? »
Le Maréchal Julianno Cyn était assis derrière le bureau de l’Amiral Gertrud Heimenepfelt, qu’on avait plutôt intérêt à appeler Gerry, si on ne voulait pas mourir, fusillé par le regard de glace de la grande, maladroite et distraite Ase. Gerry était incapable de tenir en place plus d’une heure. Elle était d’ailleurs en train de trier et ranger des dossiers dans les casiers qui tapissaient les vastes murs de son bureau. Julianno la soupçonnait d’adorer ça : trier, ranger, classer, reprendre les dossiers, les ranger à nouveau, lire les rapports des agents de renseignement de l’armée, sélectionner les informations les plus importantes, en faire la synthèse, les classer, les trier, les ranger… Oui, en fait, Julianno était convaincu que Gerry adorait son travail à la tête du Département des Renseignements de la Spatiale. Et son agitation constante faisait qu’elle profitait très peu de son si confortable fauteuil en cuir noir – quel gâchis ! – que Julianno s’était donc approprié dès son arrivée dans le bureau de l’Amiral Heimenepfelt. L’élégant Maréchal de la Flotte lisait la rapide fiche de renseignement que lui avait confectionné Gerry sur Anthony De Balras. Il avait basculé le dossier du fauteuil en arrière et la veste de son uniforme pendait lamentablement dessus. D’un pied, il faisait pivoter le fauteuil de droite à gauche, comme pour se bercer, tandis que l’autre reposait sur son genou. Les collègues devant lesquels il se serait permis une telle nonchalance se comptaient sur les doigts d’une main. Gerry en faisait partie, bien sûr.
Cette dernière referma un tiroir d’un coup sec. Elle était nerveuse. C’était normal, étant donné la situation. Julianno aussi était nerveux, même s’il affichait un calme trompeur.
« Oui. MacQueen. Les membres de la famille tiennent à garder ce nom. Celui d’un clan, ou je ne sais quoi… Quelque chose qui vient de l’Ancienne Terre. »
Gerry secoua la tête en marmonnant quelque chose comme « les humains ! ». Julianno n’y prêta pas attention et reprit sa lecture.
«
PRÉNOM(S)
Anthony Adrian Alexander
SURNOM(S) CONNU(S)
Aucun
JOUR DE NAISSANCE
21 Juin 3294
SEXE
Masculin
ESPÈCE
Humain
ARMÉE
Flotte Spatiale du Cercle
GRADE
Capitaine
»
Julianno cessa de faire tourner le fauteuil et passa un doigt sur ses lèvres d’un air pensif.
« Selon toi, c’est normal qu’il soit Capitaine ? »
Gerry arrêta de tourner les pages du dossier qu’elle tenait en main.
« Tu me rappelles son âge ? »
Julianno fit un rapide calcul.
« Trente-cinq ans.
- Pour un officier normal, c’est tout à fait honorable… Mais c’est un De Balras. Vu ses états de service, il aurait pu au moins être Commandant. Le soucis, c’est qu’il est sous les ordres du Vice-amiral Gozzi depuis sa sortie de l’EOSA.
- Plus de dix ans… Ce type est aussi stupide que son grand frère, De Balras est complètement bloqué avec lui. Pour preuve, le dernier incident… Si on avait trouvé le moyen d’évincer Gozzi avant ça… »
Gerry eut un bref rire ironique.
« Vous ne pouvez pas l’évincer. Ses appuis politiques sont trop nombreux. »
Par « vous », Gerry entendait bien sûr le Maréchal Cyn et le Général Bishamon-Ten.
Julianno poussa un grognement mécontent.
« Bon, puisqu’on ne peut pas écarter Gozzi, nous devons essayer de sortir De Balras de cette… situation délicate.
- Tu allais dire « de cette merde ».
- C’est toi qui l’a dit, répliqua Julianno d’un ton doucereux.
- Tu l’as pensé si fort… En tout cas, tu as raison. J’espère juste qu’il n’est pas trop tard. »
Julianno hocha gravement la tête avant de continuer sa lecture de la fiche de renseignement.
«
DERNIÈRE AFFECTATION
VFC Puck, frégate de classe Elfe, Cinquième Flotte.
RÉSIDENCE
Le Capitaine Anthony De Balras possède un appartement fort modeste dans une banlieue de Carbonek, sur Avalon. Il semblerait qu’il se soit contenté de sa solde pour se payer ce logement et l’entretenir. Il n’a pas pioché dans l’immense fortune familiale des De Balras. Cet appartement ne sert quasiment pas et personne d’autre que lui ne semble y être entré depuis sa séparation avec Gabrielle Finnucan. D’ailleurs, lui-même s’y rend rarement. Lors de ses permissions, il séjourne systématiquement dans la demeure de ses parents, un manoir situé un peu à l’écart de la ville, notamment parce que sa fille, Julia De Balras y vit.
»
« Très « people », les renseignements sur sa résidence, fit remarquer Julianno. »
Continuant de consulter son précieux dossier, Gerry haussa les épaules.
« Elles ne peuvent pas s’en empêcher.
- Qui ? De quoi ?
- Les femmes. De se renseigner là-dessus. Je te rappelle que je suis célibataire, moi.
- Pourquoi ? Il ressemble à quoi ?
- À son père, évidemment.
- Mais encore ?
- Regarde sur la page suivante, celle du signalement, il y a une photo. »
Julianno obéit et observa attentivement la photo d’identité qui se trouvait dans le coin à droite. Il ne put réprimer un sourire lorsqu’il se rendit compte que le jeune homme qui y figurait avait réussi à défier les terribles machines de la Flotte en affichant un léger sourire en coin. Ces horribles photographes automatiques s’obstinaient à vous refuser la moindre expression et s’acharnaient sur vous jusqu’à ce que vous fassiez la gueule la plus sinistre possible. Il était donc possible d’émousser la patience des I.A. de ces engins infernaux ?
Julianno repoussa cette pensée amusante pour se concentrer sur la photo.
« On ne voit pas grand-chose, son visage est trop pâle.
- Tu veux le holo ?
- Ce serait pas de refus. Même si je vais le voir en chair et en os d’ici une demi-heure…
- Déjà ? »
Tout en fouillant dans un nouveau tiroir, Gerry jeta un œil à son chronomètre d’un air inquiet. Julianno savait ce qui la tracassait : elle détestait arriver en retard.
« Il faudra penser à y aller.
- Du calme ! On a encore un peu de temps devant nous… Bon, il vient ce holo ?
- Oui, oui ! »
Gerry mit enfin la main sur un petit sachet plastique transparent étiqueté dans lequel se trouvait une puce de données. Elle s’approcha du bureau. Julianno écarta le fauteuil sur lequel il était assis pour la laisser accéder à son ordinateur. Gerry inséra la puce, ce qui lança le lecteur holographique. L’image du général Bishamon-Ten en pied se matérialisa au-dessus du bureau. Gerry appuya sur une touche de son clavier et la garda enfoncée. Une série d’officiers défila à toute allure devant les yeux de Julianno. Il y avait de tout : des officiers généraux, des officiers supérieurs, des officiers subalternes, des officiers mariniers, de simples matelots, même des aspirants… Dans le lot, Julianno eut le temps de repérer l’Amiral De Balras, Jan Sanada, Federico Portanares, le nom de Korazov, un médecin souriant, Joseph Von Marsten et même un jeune fusilier qui lui disait vaguement quelque chose.
« Attends… Comment tu classes tes holos ? Demanda Julianno, perplexe.
- De la meilleure façon pour que je puisse me rappeler où est qui.
- C’est-à-dire ?
- C’est-à-dire que tu te trouves devant la seule puce de donnée du Cercle regroupant les plus beaux hommes de la Flotte. »
Julianno éclata d’un rire moqueur.
« C’est ça, moque-toi. Tu pourras toujours attendre que je te montre la puce des plus belles femmes de la Flotte. »
Julianno transforma ostensiblement son rire en quinte de toux.
« Tu disais ? »
Gerry ricana. Julianno plaisantait bien sûr. Tout le monde savait que pour lui, la plus belle femme de la galaxie, c’était la sienne. Le Maréchal regarda à nouveau les différents visages masculins défiler.
« Et je suis dedans ? Demanda-t-il stupidement.
- Évidemment, patate ! Mais ne t’avise pas d’aller raconter ça à Carolyn. Je suis trop jeune pour mourir. Il y a ton fils, aussi.
- Il est mignon, hein ? »
Julianno affichait à peu près le même sourire de propriétaire lorsqu’il parlait de sa femme, ce qui en disait long sur l’affection qu’il avait pour son fils. La seule personne proche de lui à laquelle il ne le montrait pas, c’était son fils, justement. Gerry pensa que les hommes étaient tous des idiots.
« Très mignon.
- Attention, pas touche. »
Enfin, Gerry s’arrêta sur le portrait d’Anthony De Balras.
« Le voilà. »
Julianno l’examina quelques instants. Il était difficile d’évaluer sa taille, mais il avait l’air élancé. Son uniforme était impeccable et le Maréchal ne put retenir un léger hochement de tête approbateur. Mis à part cela, il avait effectivement plutôt belle allure, un visage étrange, mais pas déplaisant pour autant. Il était bien fait, les épaules assez larges, mais il avait malgré tout l’air de ne pas peser très lourd. Et surtout, il ressemblait énormément à son père, qui était très séduisant en son temps, et qui avait toujours de beaux restes.
« Pas mal, déclara finalement Julianno. Il a un genre. »
Gerry stoppa la projection en soupirant et en faisant rouler ses yeux dans ses orbites. Les hommes… Elle retira la puce de l’ordinateur, la replaça dans sa pochette et alla la ranger. Il était difficile de leur arracher un compliment sur l’un de leurs semblables. Autant une femme pouvait admettre qu’une autre était magnifique, autant un homme… Désespérant.
Pendant ce temps, Julianno parcourut en diagonal le signalement d’Anthony De Balras.
«
SIGNALEMENT
Anthony De Balras mesure 1,91 mètre pour 87 kilogrammes. Sa musculature est entretenue par la pratique régulière de l’escrime, mais son poids reste léger par rapport à sa haute taille. Selon son dossier médical, il a un très bon maintien et son dos n’est sujet à aucune déformation. Ses membres sont longs et empreints d’une force physique honorable. Le Capitaine De Balras a globalement les caractéristiques physiques de quelqu’un de sportif qui ne tombe pas dans l’excès des athlètes de haut niveau. À l’image de son corps, ses mains sont fines et musclées, mais on remarquera la présence de cals sur ces dernières. Sa peau a une teinte cireuse assez inhabituelle, mais après examen, elle ne semble pas due au moindre problème médical. Elle est aussi très fine et fragile, brûlant très facilement. Il se pourrait que tout cela soit dû à l’enracinement de longue date de sa famille sur Avalon. Le docteur Hautefeuille, qui étudie l’évolution de l’espèce humaine et son adaptation aux milieux coloniaux, a pris contact avec le Capitaine De Balras. Son système pileux est peu développé, il se rase de près et il porte sa chevelure noire et extrêmement bouclée longue, généralement attachée en catogan ou en queue-de-cheval. Cette coiffure est atypique dans l’armée, mais réglementaire dans la Flotte et il n’est pas le seul à en profiter. Cette profusion de boucles noires est le trait le plus évident qu’il tient de sa mère. Son visage, quant à lui, comporte nombre de traits caractéristiques aux De Balras : son menton légèrement en galoche, son nez droit, un peu busqué, la forme étirée de ses yeux noirs bordés de longs cils… Ainsi qu’un strabisme convergeant très léger, selon le dossier médical du Capitaine.
»
Ah bon ? Julianno haussa les sourcils et leva les yeux pour regarder à nouveau la photo d’identité. Il ferma à demi ses paupières et éloigna un peu la feuille… Mmh… Oui… Peut-être bien. Il avait un air… Concentré.
Dernière édition par Anthony De Balras le Ven 27 Mar 2009 - 16:08, édité 2 fois