Qui dit porte ouverte, même brièvement, dit courant d'air. Et qui dit courant d'air sur Asgard, dit, air froid et traître, venant s'immiscer jusqu'au couple pour pouvoir, en bon fourbe qu'il est, mordre de manière imprévisible un pauvre et innocent ex-troyen. Le vent asgardien est sadique et traitre, ce n'est pas notre ami. Du moins, c'est ainsi qu'Elyès le ressentit. Il eut un léger frisson, à sentir ainsi le souffle frais contre sa nuque dégagée de l'ennemi naturel du froid (c'est à dire, l'écharpe) mais conserva tout de même son attitude, un air que l'anti-fleur-bleu nommerait (injustement) « stupide » ou « niais » mais que d'autre nommerait « amoureux ».
Bon, peut-être consentirons-nous à le nommer « niais ».
Quoi qu'il en soit, la réaction à ce geste ne se fit pas attendre de la part de la rouquine et même le plus associable des ours mal léchés aurait pu facilement lire sur ce visage. Elyès eut à la fois un petit rire moqueur et attendrit (si si, il en est capable) devant le spectacle que lui offrait son épouse. C'était toujours aussi agréable de voir ce qu'un simple sourire pouvait faire. Enfin, sans se défaire de son air doux, il poussa un léger soupire et se dit qu'il était un bien vilain mari pour jouer ainsi avec les joues de son épouse. Il secoua un peu la tête et tâcha de reprendre le cours de son petit déjeuné. Ses amis était peut-être parti plus tôt pour les laisser tous les deux, mais ça ne voulait pas pour autant dire qu'il avait tout son temps. Ainsi, calmement mais sûrement, Elyès finit tranquillement sa collation. Il consulta rapidement sa montre et eut une petite grimace triste. D'un côté, il avait encore un peu de temps, d'un autre, cela lui semblait bien dérisoire comparé à ce qu'il aurait souhaité. Il eut un petit souffle discret mais malheureux, mais se dit qu'il ne pouvait pas y faire grand chose non plus. Si ce n'était profiter de l'instant présent.
Enfin, aussi soudainement que sournoisement, deux mini-radiateurs se saisirent de ses mains et lui imposèrent leurs chaleurs étonnantes. Une fois la surprise passée, Elyès tenta de chasser de son esprit la petite voix perverse qui lui disait « tu sais ce qui se passe quand un corps chaud rencontre un autre froid ? Aller, bye bye les mains ! » et eut une petite moue agacée contre, pour finalement se tourner ensuite vers son épouse qui lui parlait. Il eut un petit air dubitatif un instant, puis fit une tête sérieuse en prononçant, avec un brin de mauvaise foi :
«
Nan, c'est les tiennes qui sont chaudes. Moi, elles sont juste à température ambiante, nuances. »
Comme le disait si bien Madeline, Elyès avait toujours les mains froides. Qu'est-ce qu'il y pouvait ? Il avait des gants, des poches, mais ça ne suffisait pas. Il n'allait pas les mettre dans le feu non plus. Quoi que...
Elyès expulsa de son esprit l'image stupide qui se faisait dans sa tête et ramena son attention à son épouse. Sans se dégager pour autant, il tourna légèrement le poignet et remarqua tristement que ce doux moment de tranquillité devait à présent toucher à sa fin. Il ferma les yeux, un air furtivement déçu se composant sur son visage, et reprit aussitôt son regard doux pour sourire et articuler :
«
Madeline... Je dois y aller... »
Il se leva, se pencha par dessus la table pour embrasser gentiment Madeline et finit par se redresser, se libérant des mini radiateur qui servaient de mains à son épouse. Il s'emmitoufla de son manteau et enfila gants de toutes espèces pour aller faire ses quelques pas dans le froid (sibérien), tandis qu'il continuait à parler.
«
Bon, je rentre ce soir. J'pense que j'aurais finit assez tôt, j'ai un collègue qui me ramène en voiture. J'espère être là pour 17 ou 18 heure, d'ici là, rentre bien et soit prudente, ça glisse dehors. Et dors un peu, tu as une petite mine. »
Oui, c'était bien lui qui disait ça. Enfin, une fois prêt, il enroula son écharpe autour du cou de son épouse, se pencha une nouvelle fois pour l'embrasser rapidement, l'attirant vers lui grâce à l'écharpe nouvellement placée, et détalla sans l'attendre. Elyès n'aimait pas les séparations. Partir ainsi, aussi brusquement, lui laissait au moins le temps de se recomposer un masque serein. Dehors, il frissonna un instant et rentra sa tête contre ses épaules.
Il faisait vraiment froid aujourd'hui.
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Quelque jours plus tard...
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«
Et comment tu fais, donc ?Regardes, tu coinces ta bouche comme ça... Et 'u 'ais 'a 'angue, 'omme 'a. »
Un rond incertain de fumé et de vapeur s'éleva dans le ciel gris d'Asgard, vite coupé et mitraillé par la neige qui tombait ce jour là. Elyès eut un sourire triste, haussa les épaules en regardant son ex-cercle partir en fumé, sans mauvais jeu de mot. Aujourd'hui, il en était certain, Madeline aurait dit que c'était une fort belle journée. Le ciel était à peine couvert et il neigeait. Il ne grêlait pas, il n'y avait pas de vent, ni de tempête, juste une neige douce et légère qui virevoltait et tombait paresseusement sur la couverture blanche qu'elle formait déjà sur le sol. Le regard de l'ex-troyen se fixa sur un flocon qui approchait de lui et du bout de sa cigarette alors coincée entre deux doigts, Elyès la réceptionna pour l'observer fondre. Il eut un sourire amusé et porta sa main contre son épaule, bout fumant de la cigarette loin de sa chemise. Il se frictionna un peu, et secoua la tête. Une légère poudre blanche se dégagea.
«
Je crois que j'ai des pellicules.-
T'es bête. » Ria l'un de ses collègue
Un autre, une cigarette se consumant lentement coincée entre les lèvres, regardait la scène sans sourire. Fumer dans les lieux publics était interdit depuis belle lurette, alors sortir quelque soit le temps, pour fumer, était devenu une habitude encrée dans les mœurs. Les fumeurs employés à l'ambassade avaient trouvé un endroit assez charmant pour s'abandonner à leurs activités. Loin de l'entrée, au moins, ils conservaient une image correcte de travailleurs, puisque leurs pose n'était pas visible depuis les trottoirs. En bref, toute une historie d'image, mais les diplomates, ils n'arrêtaient pas de s'en encombrer, de leurs images. Et Elyès avait une image de frileux le plus farouche. Le genre de frileux à ne pas venir fumer car il faisait trop froid dehors, le genre à se couvrir pendant ¾ du temps de leurs pose pour ressembler à un bonhomme michelin avant de réussir à mettre le nez dehors et rentrer aussitôt car la pause se trouve être finie. Le genre à savoir contrôler ses envies de cigarette, les limitant aux maximums pour ne pas avoir à sortir car on a besoin de fumer. Le genre à, pendant sa pause, écrire sur un tableau blanc pour communiquer avec ceux qui sont dehors, plutôt que de sortir lui même.
Alors que diable foutait-il là ? Il était simplement ici, gentiment dehors, une simple écharpe enroulée à la va-vite sur ses épaules, ne semblant pas s'inquiéter de la neige qui s'amassait sur ses cheveux, ni de ses doigts qui prenaient une teinte oscillant entre le bleu et le mauve. Pourquoi fumait-il là, dehors, si fraîchement vêtu, au lieu d'en être à mettre sa troisième écharpe ? Et qu'est-ce qui faisait qu'il devait prendre une cigarette à quelqu'un d'autre alors qu'habituellement, vu sa faible consommation, c'était toujours lui qui en donnait ?
Elyès avait également un peu changé. Physiquement, il était toujours le même. Cheveux en bataille lui retombant sur les yeux, pas une trace de barbe, toujours impeccable, un air simplet peint sur le visage... Psychologiquement non plus : toujours gentils, aimable, serviable distrait et sur son nuages... Non, ces changements passaient par de petites nuances à peine visibles. Normal, Elyès était Diplomate. Mentir aux autres sur lui, ses pensées et son être était son métier, en quelque sorte. Et sur ce point précisément, il était extrêmement doué. Peut-être moins sur le reste, souvent un peu trop conciliant, mais pour « paraître » et ne pas « être », Elyès était un génie en la matière. Simplement, il n'était pas le seul diplomate dans le bâtiment, et ces discrètes nuances devenaient alors percevables...
Un sourire moins franc, une peau encore plus pâle, des cernes plus marquées, une envie de fumer plus fréquente, un regard plus vide que d'habitude... Un comportement plus maladroit aussi, parfois. Rien qui le rendait incapable de bien faire son travail ou qui dénotait d'un profond malaise. Non, juste plein de petit rien en plus, à peine visible, mais qui étaient tout de même là. Et maintenant que ces petits riens étaient découverts, les amis d'Elyès n'arrivaient plus qu'à se focaliser dessus.
Une cendre se détacha de la cigarette toujours coincée par les lèvres du collègue inquiet, mais il n'en prit pas note. Il attrapa simplement la fautive entre les doigts et la jeta dans la poubelle prévue à cet effet. Il quitta sa position assise et sans dire un mot, entra dans l'ambassade. Il traversa les bureaux et pénétra sans dire un seul mot d'explication dans celui d'Elyès. Toujours chaudement couverts, il se sentit étouffer dans la chaleurs qui régnait en maître dans la place. Elyès était un ex-troyen, et bien ça se sentait. Les fenêtres ne s'ouvraient plus sous menace d'abîmer le bois, et bien foi de troyens, c'était certain que même la peinture de la poignée ne s'abîmerait pas.
Passé ses considérations bassement matériel, l'intrus s'attela à chercher du regard le porte-manteaux où serait le paquetage anti-froid d'Elyès. Ce ne fut pas dur à trouver, mais il grimaça en remarquant le peu qu'il y avait comparé à d'habitude. Bientôt, le bon vieux sujet de plaisanterie qu'était la frilosité d'Elyès et sa lutte acharnée contre le froid à l'aide de manteaux et écharpes en tout genre serait ridicule, tant cette fois, le porte manteaux était légèrement chargé. Le collègue grogna et se mit à faire les poches d'Elyès, consciencieusement. Enfin, l'objet de sa convoitise était là, au bout des doigts. Il l'attrapa et le porta à lui. C'était un vieux modèle, l'aversion du diplomate troyen pour toute les technologie était le deuxième sujet de plaisanterie le plus souvent adopté avec lui... Elyès ne détestait pas les ordinateurs. C'était plutôt les ordinateurs qui ne l'aimait pas, et qu'est-ce que c'était amusant à observer ! C'est bien pour ça que l'ami avalonien eut un sourire moqueur en remarquant le vieux modèle de téléphone portable que possédait son collègue : un portable qui ne plantait jamais, résistant à tout et incroyablement simple d'utilisation. Mais un peu gros. Et dépassé.
Enfin, le temps n'était pas aux dissertations sur la technologie et c'est ainsi, sans plus attendre, que le collègue appuya sur une touche. Le portable n'était même pas éteint, décidément, Elyès perdait les pédales. Et quelqu'un de mal intentionné pourrait, par exemple, tenter d'appeler une certaine agent de l'ARI pour dénoncer un diplomate qui perdait petit à petit la raison, allant fumer dehors sans couverture, risquant ainsi une pneumonie, une bronchite... L'important, c'était de savoir bien formuler ça...
Prenant une légère inspiration, en dénouant un peu l'écharpe que lui même portait, le diplomate Avalonien murmura « Madeline » pour aussitôt trouver le numéro privé de la jeune femme. C'était sans doute la meilleurs façon de parvenir à lui parler. Regardant une dernière fois à droite et à gauche, enfin, il appela l'ex agent chargée de la sécurité de l'ambassade. Tandis que la tonalité résonnait à ses oreilles, il pensa avec nostalgie au moment où il racontait des mensonges pour mettre soit Elyès dans l'embarras, soit Madeline dans une colère noire... C'était si amusant à regarder, à provoquer et a...
La voix dans le combiné le ramena à la réalité. Et quelle voix ! Une rouquine, toute gentille, croyant naïvement parler à son mari. La situation était tentante et si belle ! Ah, l'avalonien n'allait pas laisser passer ça.
«
Madeline ? C'est un collègue d'Elyès... C'est pour te dire... On a un soucis avec lui »
Le ton était grave et lent. S'il ne méritait tout de même pas un oscar, l'ursupateur trouvait tout de même avoir du mérite. Encore que finalement, il ne mentait pas tant que ça... Au fond, il mettait juste un peu le ton pour arriver à rendre ça un peu plus tragique. Qu'y avait-il de mal à ça ?
«
Je crois qu'Elyès fait une hypothermie. Il est devenu tout mauve et on a peur de le casser. C'est de sa faute aussi ! Il est sorti sans écharpe ! Et sans manteaux ! Et...
Hurmf... Donc, si tu veux le voir avant que ce soit à titre posthume... »