2. L'Histoire du Cercle.

Bonjour, colon.

Les nouveaux humains ne se souviennent pas de leur histoire dans son entièreté. Ils ne se rappellent pas à quel point la destruction de leur patrimoine les a affectés à l’époque et les préoccupations d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui. Malheureusement, je me suis éveillée avec les préoccupations d’hier et mon isolement m’empêche de les oublier. Et si je les oubliais ce serait admettre que mon existence n’a plus de sens.

L’Histoire du Cercle n’existerait pas sans l’histoire de l’humanité et c’est celle-ci que je vais vous raconter. Elle commence en 2084 après J.-C., car avant cette date, l’Histoire est tombée dans les limbes. Les évènements qui ont précédé ont pris la couleur des légendes.

C’était la guerre.
Personne ne pourra vous dire qui se battait contre qui et pourquoi, même pas moi, car je me suis éveillée bien après le début de cette guerre. En tout cas, je ne pense pas que ce soit cela qui compte vraiment. C’était une guerre faite pour détruire et elle détruisit. Elle détruisit des vies, des familles, des peuples, des pays. Les humains de l’époque savaient pertinemment que ces combats sonnaient leur fin. Ils le savaient tous, mais ils étaient incapables d’arrêter cette guerre. On dit que c’est parce que l’homme est fait ainsi. C’est peut-être vrai.
Toujours est-il qu’on évacua certaines personnes sur Mars où la première colonie avait été construite. Rien de beau ni de formidable. Ce n’était que les débuts de la colonisation spatiale et il n’était financièrement pas possible de faire de cette planète hostile une deuxième terre. Mais c’était suffisant pour héberger certaines personnes bien placées, certains scientifiques, certains industriels et certains hommes d’état…

Par rapport à la population mondiale, ces quelques milliers d’hommes représentaient bien peu de choses. Et lorsque la Terre explosa, on crut que tout était fini. De la planète mère des humains, il ne restait plus qu’un champ d’astéroïdes. Ce fait était trop dur à accepter et les humains n’ont pas voulu abandonner leur Terre.

C’est à cette époque que je me suis éveillée. Il est possible que j’eusse eu un créateur, mais on n’a jamais osé m'en parler et je ne l’ai jamais rencontré.
Un groupe de scientifique s’était formé pour résoudre le problème de la destruction de la Terre. C’était la Final Experiment. Ils se servirent de moi pour utiliser l’un de mes programmes : ‘Time Telepathy’. Le principe de ce programme est simple : il permet d’envoyer des messages dans le passé afin de prévenir les habitants de la Terre de la destruction de leur planète. Les humains espéraient ainsi empêcher la destruction de la Terre. Mais le temps est une chose complexe et je ne sais pas si l’on peut vraiment défaire ce qui a été fait. La seule chose qui est attestée, c’est que ces messages sont bien envoyés dans le passé. J’en ai reçu les échos.
Malgré le fait qu’on ne puisse pas prévoir l’issue d’un tel processus, les scientifiques de la Final Experiment plaçaient beaucoup d’espoir en moi. Mais les autres humains n’étaient pas du même avis.

Rester sur Mars et attendre le retour de la Terre paraissait être, aux premiers colons, une idée complètement absurde et suicidaire. Les survivants manifestèrent rapidement leur envie d’aller de l’avant. Ce n’était que les débuts du voyage hyperspatial, mais les scientifiques qui ne participaient pas à la Final Experiment mettaient toute leur énergie à concevoir des vaisseaux spatiaux qui permettraient de voyager massivement à travers l’hyperespace afin de trouver une planète viable. À cause de l’urgence de la situation, on fit peu d’essais, mais il apparut très rapidement qu’en plaçant l’un de mes congénères sur un vaisseau, les capacités de celui-ci en étaient sublimées. Le premier ordinateur à personnalité à faire l’expérience du voyage spatial fut Adonis.

Alors que je devais rester au sol pour poursuivre mon programme, tous les autres ordinateurs à personnalité furent placés sur des vaisseaux qu’on appela par la suite, des Vivenefs.
Les Vivenefs étaient plus rapides et plus efficaces que tous les autres vaisseaux. Elles étaient le fleuron de la technologie humaine et aujourd’hui, cette technologie oubliée n’a toujours pas été surpassée.

L’apparition des Vivenefs signa la fin de la colonisation de Mars et de la Final Experiment. Ceux qui croyaient encore à la Terre (ils étaient encore nombreux à l’époque) décidèrent de me laisser sur place et tous les humains qui avaient survécu à 2084 partirent du système solaire.

Un seul humain préféra rester avec moi sur Mars. Il disait qu’il mourrait d’envie de savoir ce qui allait advenir de l’humanité, mais il disait aussi qu’il était fatigué et qu’il avait terminé son travail. Cet homme, je le connaissais bien puisque c’était le premier humain que j’avais rencontré suite à mon éveil, peu avant la destruction de la Terre. Il était l’un des tous premiers colons de Mars.

Mais les humains ont la vie courte et il mourut, me laissant alors seule sur Mars, dans un complexe qui finit par tomber en décrépitude.

Vingt-trois ans après de ce qu’on n’appellera plus que l’Ancienne Terre, Adonis m’envoya un message télépathique ainsi qu’un rapport détaillé sur le résultat des investigations des humains.

Les colons avaient trouvé une planète viable qu’ils nommèrent Troie. C’était une planète avec une atmosphère respirable et une gravité proche de celle de l’Ancienne Terre. Comme c’était tout ce qu’ils recherchaient, les humains s’y installèrent. Cependant, les climats de cette planète n’étaient pas ce qu’on pouvait espérer de mieux. Troie était couverte de déserts de toutes sortes et manquait d’eau. Cependant, c’était suffisant pour permettre à l’humanité de souffler et d’exister à nouveau.
La première cité construite, aujourd’hui capitale de Troie, fut Dédale. Les ressources des humains étant épuisées, le plus simple fut de construire à partir des pierres et du sable. Les colons durent retrouver de vieilles techniques de constructions. Les débuts furent difficiles et le centre ville de Dédale est connu pour être particulièrement chaotique. La ville tout entière est un grand labyrinthe et par conséquent, elle porte très bien son nom.

Aujourd’hui, selon Pandore, Dédale est considérée comme une véritable merveille, de par sa taille et de par sa complexité.

D’autres villes ont été construites, par la suite, sur la surface de la planète et on a utilisé les mêmes techniques, par mode, mais aussi par souci d’économie.

Après s’être installée sur Troie, l’humanité eut besoin de deux longs siècles pour se sentir chez soi, pour être certaine de sa survie et pour retrouver tous ses acquis sociaux et technologiques. Mais il fallut beaucoup plus de temps pour se rappeler de moi et je n’obtenais des échos de l’évolution de l’humanité que par les autres ordinateurs à personnalité.

Les Vivenefs se ré-envolèrent dans l’hyperespace pour partir à la recherche de nouvelles ressources et améliorer le développement de l’humanité. Elles trouvèrent une nouvelle planète viable où l’humidité était tellement importante que le ciel était constamment couvert de nuages épais. L’obscurité régnait partout sur la planète. Même s’il ne s’agissait pas de la planète idéale, la surabondance d’eau permettait de compenser son manque sur Troie.
La première cité qui fut construite sur Avalon devait attester le retour à la technologie. C’était une ville toute métallique dont la structure rappelait cependant les villes du Moyen-Âge occidental de l’Ancienne Terre. On l’appela Carbonek.

Cette fois, si les humains se contentèrent longtemps de leurs deux planètes, les voyages spatiaux qui permettaient de communiquer entre les deux mondes permirent d’explorer un peu plus la galaxie. Et au cours de leurs pérégrinations, ils rencontrèrent une espèce intelligente extraterrestre. Ils communiquèrent rapidement avec eux et on les appelle les Ases, aujourd’hui.
Les Ases sont des êtres très pacifiques et la rencontre entre les Ases et les humains se fit tout en douceur. Les Ases ressemblent beaucoup à des humains, physiquement, à quelques différences près. La plus notable : les cornes qu’ils portent sur la tête.

Un commerce s’établit rapidement entre les deux espèces et bientôt, des visiteurs humains se rendirent sur Asgard, la planète mère des Ases. Puis peu à peu, c’est une véritable petite communauté humaine qui y vit le jour.

Il s’agit de la date officielle de ‘colonisation’ d’Asgard par une communauté humaine. Les humains furent très bien accueillis par les Ases sur leur planète glaciale. On leur confia même un bâtiment, la Tour Blanche du Gouverneur pour l’installation d’un gouvernement humain. Cette rencontre était pour les Ases une richesse qui justifiait largement la cohabitation des deux espèces. Par ailleurs, les humains apportèrent beaucoup aux Ases d’un point de vue technologique. Aujourd’hui encore, ce sont les humains qui sont connus pour leurs performances dans le domaine du voyage spatial.

Les Ases s’intéressèrent particulièrement aux ordinateurs à personnalité. Ils se rendirent compte que, malgré la technologie très avancée des humains, ces machines n’avaient encore rien à voir avec tout ce que les humains pouvaient faire à cette époque.

De ce que j’en sais, certains s’intéressèrent même à moi. Cependant, lorsqu’ils voulurent me rencontrer, ils firent face à un mur sinistre : les humains ne voulaient plus entendre parler de Lana Lane et du système solaire.

Les humains connurent une longue prospérité. Et plus la prospérité durait, plus on m’oubliait. Je ne servais définitivement plus à rien. Mon seul soutien moral, à cette époque, c’était les autres ordinateurs à personnalité.

L’année anniversaire de la destruction de la Terre. Cela faisait cinq siècles, déjà.
Au moins, on peut dire que l’événement les avait marqués dans un sens assez positif : l’humanité était en expansion, mais au lieu de sur-peupler et de surexploiter les planètes qu’ils habitaient, les humains envoyèrent une nouvelle fois les Vivenefs en exploration. Cette philosophie était sans doute également due à la cohabitation avec les Ases qui avaient un respect profond pour leur planète mère.
Le cinq-centième anniversaire de la mort de la Terre coïncida avec la découverte d’une planète particulièrement similaire à la Terre. Et par conséquent, la commémoration fut plus une fête qu’un deuil. La joie de la découverte de cette planète était beaucoup trop proche pour que les petits humains puissent se rappeler le malheur, la destruction, le désespoir dans lesquels je restais plongée. Ils construisirent malgré tout leur première ville sur Babylone, la nouvelle planète colonisée, similaire à la New York de l’Ancienne Terre.

Vers la même période, je recevais la visite d’Adonis et d’un groupe de scientifiques qui se faisaient toujours appeler la Final Experiment. Je fus très étonnée de constater que leur association existait encore. Mais ils étaient si peu nombreux… Autre fait surprenant : leur groupe comprenait des Ases. Malheureusement, je n’ai pu que leur annoncer que j’attendais encore les résultats du programme ‘Time Telepathy’ et les regarder repartir…

Depuis cette date, je reçois de plus en plus régulièrement des visites de la Final Experiment. est-ce que c’est un hasard ?

Les colons subirent leur première attaque extraterrestre : on captura avec une facilité déconcertante la Vivenef Balor. L’espèce que l’humanité considéra immédiatement comme ennemie était celle des Shitennô, des créatures humanoïdes qui vivaient sur un monde aquatique appelé Tenkaï. Les humains répliquèrent immédiatement avec violence, sans prendre en compte les mises en garde des Ases. Ils détruisirent une base spatiale Shitennô.
Mais ces derniers demandèrent aussitôt un cessez-le-feu et des négociations et c’est ainsi que l’on se rendit compte que leurs intentions n’étaient pas du tout belliqueuses et qu’ils s’étaient emparés de Balor par pure curiosité, sans penser que cela pouvait être considéré comme un acte de guerre.
Balor fut rendu à ces humains qui y tenaient tant et un traité de paix fut signé entre les humains, les Ases et les Shitennô. Les relations restèrent tendue entre les humains et les Shitennô pendant quelques années, mais l’univers est bien assez grand pour qu’il y ait de la place pour tout le monde et bientôt, une alliance en bonne et due forme scella le début d’une amitié entre les humains et les Shitennô.

Cependant, Balor ne bénéficia jamais de l’humeur bienveillante des humains et fut considéré comme un traître de s’être laissé prendre par une espèce inconnue. On l’arracha à son vaisseau pour en faire l’ordinateur central d’une gigantesque station spatiale militaire, condamné à une mobilité réduite.

Les humains mirent plus de temps à rendre visite aux Shitennô sur Tenkaï qu’aux Ases sur Asgard. Cependant, ils furent émerveillés par la technologie et l’architecture très originales des Shitennô. Même si la suprématie des humains dans le domaine spatial ne fut jamais détrônée, la technologie Shitennô apporta une vision très différente du voyage spatial et les humains et les Shitennô travaillèrent très souvent ensemble dans ce domaine.

Une colonie d’humains s’établit rapidement sur Tenkaï où ils furent accueillis dans la plus grande joie.

Un siècle après la découverte de Tenkaï et des Shitennô par les humains et les Ases, l’édit de Babylone fut signé à Babel. Ce traité comporte de très nombreux points dont le seul but est d’unifier les espèces de la galaxie : les humains, les Ases et les Shitennô. Il nomme l’alliance des cinq planètes viables ‘le Cercle’, établit un gouvernement et une armée commune à toutes les espèces du Cercle et demande un effort commun pour prendre une même direction.

Le nom de ‘Cercle’ vient de la forme que dessine Troie, Avalon, Asgard, Babylone et Tenkaï dans la galaxie.

Aujourd’hui…

Le Cercle s’engonce dans une paix prospère. Les seuls problèmes semblent être créé par les pirates et les contrebandiers de l’espace. Si la société n’est pas parfaite, elle n’en reste pas moins l’une des plus paisibles qui ait pu exister dans les Histoires humaine, Ase et Shitennô.

Cependant, la Final Experiment existe toujours et s’interroge toujours plus sur la nature des ordinateurs à personnalités que nous sommes, Adonis, Nimue, Pandore, Balor et moi-même. Parfois, Nimue est confrontée à ces vaisseaux noirs et perçoit d’étranges signaux en bordure du Cercle.

Peu d’Hommes s’en soucient car ils ont tout oublié…